Pas plus cons que nous, les Français

Je me rappelais récemment une émission de mon enfance, Touftoufs et Polluards. Il s’agissait d’un dessin animé où une communauté de créatures à la chevelure colorée s’opposait à des pollueurs enthousiastes à l’idée de tout saccager. Si cette vision manichéenne de la vie convenait pour enseigner les valeurs environnementales à la jeunesse, dans la réalité, les bons et les méchants se présentent rarement de façon aussi caricaturale. Et si, dans l’événement télévisuel ayant récemment opposé Anne Dorval à Éric Zemmour, il était facile d’identifier un bon et un méchant, il serait fallacieux d’avancer que les Français, dans leur ensemble, sont tous aussi cons qu’Éric Zemmour.

En fait, Éric Zemmour lui-même n’est pas si con. Il a cette habileté à conférer une certaine noblesse à des idées autrement rétrogrades, racistes et/ou intolérantes. Et c’est bien ça qui est dangereux. Les milliers de manifestants français qui se sont retrouvés à la plus récente Manif pour tous, dont plusieurs s’abreuvent à ses idées populistes, n’ont pas sorti leurs pancartes en se disant: «Nous détestons les gais et voulons les empêcher de se marier.» Si certains d’entre eux sont des homophobes assumés, la plupart donnent à leurs actions un sens beaucoup plus raffiné.

Les «Pour tous» ne se considèrent pas comme de vulgaires réacs conservateurs, mais comme les remparts d’une civilisation en déclin. Leurs arguments ne s’en prennent pas à l’homosexualité comme telle, qu’ils évitent généralement de présenter comme une «pratique contre-nature», comme on l’a fait dans les décennies passées, conscients que l’air du temps est réfractaire à ce genre de discours. Ils ne veulent pas «empêcher des gens de s’aimer». Ils se présentent comme des gardiens de la «dignité humaine», et l’ennemi qu’ils ont désigné est la procréation médicalement assistée (PMA), en particulier la gestation pour autrui, une pratique qu’on peut décrier pour toutes sortes de raisons. C’est ainsi que les «Pour tous» attirent dans leurs rangs des gens séduits par une rhétorique selon laquelle «on ne ment pas à un enfant».

C’est en s’opposant à la PMA, qui touche pourtant majoritairement des couples hétérosexuels infertiles, que les opposants à la Loi Taubira justifient leur intolérance. Curieusement, les exemples de dérives qu’ils soumettent au tribunal populaire sont presque exclusivement issus des familles homoparentales. Leur mouvement même, bien qu’ils prétendent s’en prendre au fond à la PMA, est né en réaction à la loi permettant le mariage entre conjoints de même sexe. En somme, il s’agit d’une nouvelle race d’homophobes, les homophobes sophistiqués.

Le Québec n’est pas à l’abri de ce genre de dérives qui naît des discours populistes. Suffit de brandir quelques exemples d’accommodements déraisonnables, de pédophiles récidivistes ou de projet parental ayant mal tourné pour que les solutions les moins avisées et les promesses purement électoralistes fusent. Les braises de l’intolérance dorment dans toutes les sociétés, et il suffit généralement de peu pour les attiser.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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