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Tâches de madame, tâches de monsieur

Photo: Getty Images/iStockphoto

L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) publiait récemment une note socio-économique rappelant que même lorsqu’elles travaillent autant d’heures rémunérées, les femmes accomplissent encore plus de tâches domestiques que leurs vis-à-vis masculins. What else is new? me suis-je demandé, en prenant connaissance de l’analyse d’Eve-Lyne Couturier et de Julia Posca.

La partie qui m’apparaissait la plus intéressante de leur compte-rendu se trouvait dans l’introduction, où les analystes nous expliquent qu’effectivement, ce genre d’analyse de données n’est pas nouvelle ou même originale, mais que pour chaque étude qui nous rappelle qu’on a encore des croûtes à manger dans le domaine de la répartition des tâches, «d’autres affirment au contraire que plus un homme participe aux tâches ménagères, plus son couple risque le divorce». Je me suis donc promis de garder cette étude en poche pour la prochaine fois où on nous ressortirait ce genre d’argument bidon. La situation s’est pointée très rapidement.

En réaction à la note socio-économique de l’IRIS, certains commentateurs n’ont pas hésité à rappeler que l’homme et la femme sont différents et qu’il serait malvenu, dans une société moderne, que l’on force les femmes à s’adonner à des tâches manuelles et qu’on impose aux hommes de faire la cuisine et le ménage. Certains d’entre eux n’ont pas hésité à référer à leur propre ménage pour montrer qu’il est possible d’être heureux dans une situation tout à fait stéréotypée.

Moi aussi, si j’analyse ma situation personnelle, je peux en tirer des conclusions différentes de celles de l’IRIS. Pour des raisons évidentes, dans mon ménage, nous ne divisons pas les tâches en fonction de notre sexe, sinon, comme le veulent les stéréotypes, ma conjointe et moi croulerions sous les sacs à ordures pas sortis. Nous répartissons les tâches en fonction de nos intérêts et chaque fois que je remarque que c’est surtout la fille qui cuisine dans un couple d’amis hétéros, par exemple, ma blonde me rappelle que dans notre couple, c’est moi qui prépare la majorité des repas et que je suis, moi aussi, une fille. Comme lesbiennes, nous jouissons en quelque sorte du «privilège» de nous contrefoutre de la répartition genrée des tâches même si nous sommes sensibles aux études qui tendent à démontrer que dans une famille lesboparentale, la mère qui a accouché est «davantage associée aux soins primaires et que la mère sociale soit celle qui assume le rôle de pourvoyeuse principale».

Quoiqu’il en soit, l’idée, ce n’est pas que les gars n’aient pas le droit de faire de la mécanique et les filles de la bouffe. Si des analyses comme celles de l’IRIS existent, c’est justement pour nous emmener à nous décoller de notre nombril, de notre petite situation personnelle – exceptionnelle ou non –, et à prendre conscience du fait qu’en 2014, même quand les femmes travaillent autant, elles écopent encore de la majorité des tâches domestiques. Ça ne veut pas dire qu’on doit commencer à compter les heures que chacun dédie à chaque tâche et à dresser un tableau passif-agressif de sa contribution au couple. Ça veut juste dire qu’il y a une situation systémique qui peut se régler par des interventions systémiques.

C’est drôle, parce que cette semaine, le magazine L’actualité publiait un article relayant des études révélant que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas aussi innées et/ou immuables qu’on l’a longtemps cru. «Propager l’idée que les gars et les filles sont fondamentalement distincts, les figer dans des rôles supposément prescrits par la nature, non seulement c’est discutable sur le plan scientifique, non seulement c’est un manque désolant d’imagination, mais c’est le moyen le plus sûr de leur couper les ailes», concluait le texte, rappelant que l’argument naturaliste ne sert ni les gars, ni les filles. Même si dans les faits, les emplois reliés à des compétences jugées féminines sont souvent moins bien rémunérés que ceux requérant des compétences dites masculines, ce qui pénalise surtout les femmes.

Parallèlement, la revue Protégez-vous abordait la question des jouets genrées, un domaine dans lequel on recule plus qu’on avance. La solution proposée par la professeure au département de Sociologie de l’UQAM Francine Descarries n’était pas, bien sûr, d’interdire aux petites filles de jouer à la poupée et aux garçons de jouer au camion, mais de varier les plaisirs. «Il n’y a rien de grave pour une fille d’avoir des jouets roses et des trousses de maquillage. L’important, c’est de ne pas se limiter à ça. Ainsi, il n’est pas question de refuser les jouets de genre à une fille ou à un garçon, mais d’ouvrir l’éventail des choix, et d’éviter de se moquer de la fillette qui demande un camion ou du garçon qui veut une poupée».

Décidément, nous sommes appelés à réfléchir à notre rapport aux stéréotypes de genre et à leurs conséquences sur l’avenir de la société. Je me demande pourquoi certaines personnes reçoivent ces constats comme une menace.

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