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Comment faire taire un troll

Photo: Radio-Canada

Il y a à peine plus d’un an, il apparaissait presque impossible de contrecarrer les tactiques d’intimidation de Gab Roy. Lui répondre, c’était soit lui donner l’attention qu’il recherchait, soit s’attirer les foudres d’une armée d’adolescents entraînés à soutenir leur idole. «Si on ose le critiquer, on est inondé de messages haineux», expliquait le blogueur Julien Day à la revue L’Actualité en décembre 2012.

Même en maîtrisant habilement les ficelles de l’internet, il était très difficile d’avoir le sentiment de sortir gagnant d’une altercation avec le troll. Des parents déconcertés découvraient la cruelle réalité du Far Web – similaire à celle de la cour d’école à plusieurs égards – en prenant connaissance de l’emprise que cet individu avait sur leur enfant. Des blogueurs aguerris prenaient le pari de se taire, pour éviter de «nourrir le troll». On sait que les intimidateurs carburent à l’effet qu’ils ont sur les plus faibles. Et puis il faut admettre que parmi une certaine intelligentsia de l’internet, les talents narratifs de Gab Roy suscitaient une certaine admiration qui excusait parfois les dérapages.

Les choses se passent bien vite sur le web, et le troll est maintenant tombé. L’entente hors cour qu’il a conclue avec la comédienne Mariloup Wolfe, qui avait été la cible de son humour de mauvais goût, le contraint à 500 heures de travaux forcés, mais surtout, le plonge dans le silence pour les trois prochaines années (autant dire pour l’éternité, dans ce domaine).

C’est cher payé pour une blague déplacée, mais la peine apparaît tout à fait justifiée à l’aune de ce qu’on connaît du personnage et du mauvais usage qu’il a fait de sa liberté d’expression par le passé. Le blogueur était déjà débranché depuis mai en raison d’un ordre de la cour, en attendant son procès pour des accusations de contacts sexuels avec une adolescente.

Dans une lettre adressée à Mariloup Wolfe, le blogueur réitère ses excuses à la comédienne et affirme que le congé de vie publique auquel il est soumis lui permet de «réfléchir à ses erreurs», l’aide à «devenir un homme meilleur». Il ne fait aucun doute qu’un sevrage de la sorte de célébrité à laquelle Gab Roy était accro transformera le gars. Le muscle de l’ego s’atrophiera à mesure que l’idée de s’élever aux dépens des autres lui semblera insignifiante. C’est à souhaiter du moins.

En attendant, pouvons-nous tirer de cette métaphore de l’intimidation, dont plusieurs jeunes sont victimes, une quelconque leçon? On répond souvent aux enfants «laisse-le faire» lorsqu’ils font face à un intimidateur. Est-ce parce que nous ne savons pas nous-mêmes, comme adultes, comment nous défendre contre de telles agressions? Peut-être devrions-nous apprendre à nous tenir debout, comme l’a fait si courageusement Mariloup Wolfe.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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