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La journée qui dérange

Photo: TC Media

Devant la réaction de certains parents, une journée où on invitait les garçons à s’habiller en filles et les filles en garçons a été annulée à l’école Félix-Leclerc de Saint-Constant. Pas sortie du bois, cette école a aussi reçu les reproches de parents fâchés que cette journée, présentée comme «humoristique et remplie d’autodérision», soit annulée.

Pendant qu’on déchire sa chemise sur le bien-fondé d’aborder les questions de genre une fois par année à l’école, on oublie que tous les jours, des écoles imposent des codes d’une violence inouïe à des enfants qui ne se conforment pas aux normes de genre, et ce, dans la plus grande indifférence.

Tous les jours, des enfants qui ne s’identifient pas au genre qu’on leur a assigné à la naissance se butent à l’interdiction de leur école d’utiliser la salle de toilette dans laquelle ils se sentent le plus en sécurité. Des enfants doivent endurer plusieurs fois par jour des références genrées dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas. Des histoires de princes et de princesses leur sont racontées sans que cette hétéronormativité soit remise en question. Des filles jugées tomboys et des garçons jugés efféminés subissent de l’intimidation de leurs pairs, quand ce n’est pas de la part des adultes qui sont censés les défendre.

Le jour où on aura réussi à protéger ces enfants, on pourra commencer à s’inquiéter des éventuelles répercussions d’une telle journée sur ceux qui, en apparence du moins, vivent conformément à ce que l’on attend d’eux.

En attendant, nous disposons de bien peu d’information pour juger de la pertinence de cette journée «travestie». En l’occurrence, l’école n’a jamais parlé de «journée travestie». On peut en déduire qu’il s’agit d’une construction médiatique. Pour le reste, on ne sait rien des motivations des éducatrices qui ont proposé cette activité. Avaient-elles l’intention de questionner les enfants sur ce que ça signifiait pour eux de s’habiller «comme le sexe opposé»? Comment allaient-elles déconstruire les stéréotypes sans les renforcer?

Personnellement, si on m’avait proposé une telle journée au primaire, j’aurais été prise de court, étant donné que je détestais le rose, que je ne portais jamais de robes et qu’aux yeux d’une certaine professeure, j’étais déjà trop masculine. Mais est-ce vraiment ça, s’habiller en garçon? Aurait-il fallu que, ce jour-là, je porte en plus une cravate? Et est-ce que ça aurait signifié que les autres jours, je n’aurais pas eu le droit de le faire? Pas simple!

«Si on m’avait proposé une telle activité, j’aurais été prise à la gorge, je n’aurais pas pu y participer», m’a confié Sophie Labelle, l’auteure de la BD Assignée garçon, qui est aujourd’hui enseignante. «Je me serais sentie délégitimée par les termes “humour et autodérision”», ajoute-t-elle.

Il y a peut-être de ça dans la réaction des parents à cette journée thématique, qui semble avoir été présentée avec trop de légèreté pour être bien comprise. Mais il y a fort à parier que c’est plutôt le mélange des genres qui dérange. Allez savoir pourquoi.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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