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Oscars, Gémeaux et comparaisons

Jeudi, le chroniqueur de La Presse Marc Cassivi y allait d’une comparaison légitime entre Oscars et Gémeaux, alors que l’on s’apprête à célébrer les premiers et que l’on vient d’annoncer des modifications majeures aux seconds. Certaines des conclusions auxquelles en arrivait le chroniqueur m’ont toutefois laissées perplexes, probablement parce que nous ne partons pas, lui et moi, des mêmes prémisses.

Marc Cassivi estime tout d’abord que le prestige de la soirée des Oscars demeure intact après 87 ans. Or, s’il est vrai que le gala de l’Académie continue d’inspirer classe et décorum, contrairement aux clinquants Golden Globes, de plus en plus de voix s’élèvent contre le biais de moins en moins subtile du white men’s club que forment les membres votants de l’Académie. En 2012, une enquête du LA Times révélait que 94% de ceux qui votent aux Oscars sont blancs, 77% sont des hommes, et 86% d’entre eux ont plus de 50 ans. Mais bien sûr, tous ces vieux monsieurs s’assurent de faire «le pari de la qualité», pour ce que cela veut dire.

Évidemment, cette constitution du jury n’est pas sans conséquences sur les nominations et les victoires.

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En fait, s’il y a une comparaison à faire entre les Oscars et les Gémeaux, c’est que le genre de crise qu’a traversée notre gala de la télévision ces dernières années guette celui du cinéma américain. Et peut-être que dans quelques années, on proposera de marquer d’un astérisque les films qui ne se mesuraient que dans un bassin limité de fictions confortant une vision blanche, masculine et âgée du monde.

Une autre prémisse à nuancer dans le texte de Cassivi est le nombre de prix – trop nombreux de son avis – remis durant les prix Gémeaux. «Certains se plaignent que l’on remet trop de prix – surtout en ondes – à la soirée des Oscars, avec ses 24 catégories. Savez-vous combien de catégories compte désormais la soirée des Gémeaux? […] Pas 24 ni 25. Pas 50 ou 55, ce qui serait déjà trop. Mais bien 110!» Pourtant, à vos derniers souvenirs, la cérémonie des Gémeaux n’étais pas siiiiiii longue que ça, non? C’est que le chroniqueur de La Presse compare des oranges avec des pommes, des prix remis en ondes et des prix hors d’ondes. L’an passé, le gala des Prix Gémeaux a remis 16 prix, soit beaucoup moins que durant la cérémonie des Oscars.

L’an prochain, on peut imaginer qu’il en remettra quelques-uns de plus, en raison de la division des séries par saisonnalité, mais on peut imaginer aussi que les prix d’interprétation pour un rôle de soutien dans une quotidienne seront remis hors d’ondes, tout comme celui de l’animation de jeu/téléréalité, ou celui de la réalisation d’une émission d’affaires publiques. Qu’y a-t-il de mal à récompenser le plus de personnes possible dans des catégories qui ne se comparent pas vraiment? Si j’étais ingénieure de son en documentaire, je préférerais, si possible, ne pas être en compétition avec les soundmen de téléséries. De là à parler de prix de consolation…

Mais surtout, les galas hors d’ondes organisés pour ne pas embêter le public ont leur importance dans l’industrie. Ils récompensent souvent des artistes en début de carrière et permettent aux décideurs du milieu de repérer de jeunes talents, de donner des chances.

Finalement, Marc Cassivi semble estimer que les requêtes de Fabienne Larouche, Julie Snyder et TVA étaient en quelque sorte des enfantillages de personnes incapables d’accepter de perdre. Or, dans le milieu de la télévision, elles étaient loin d’être les seules à trouver que le système de votation laissait à désirer. Des membres n’ayant pas visionné les émissions en compétition, des votes d’amis, des jeux de pouvoir.

Le système proposé ne corrigera peut-être pas toutes les apparences de conflits d’intérêts – difficiles à occulter dans un milieu aussi incestueux – mais il serait exagéré de prétendre qu’en accordant 10% à un vote du public, il transformera les Gémeaux en un second gala Artis. Dix pour cent, ça peut faire pencher la balance, à séries de qualités égales, entre une série qui, en plus d’être de qualité, a réussi à conquérir un plus grand public. Ça ne fait pas gagner Les jeunes loups contre Série noire. Dire que Série noire n’a aucune chance de s’en sortir dans un tel système apparaît pour le moins prématuré… et chien pour Série noire. Par ailleurs, rappelons-nous qu’avec l’ancien système, Serge Boucher, l’auteur d’Apparences, n’était même pas en nomination pour ses textes, que d’aucuns jugeaient sans contredit de grande qualité. Apparences que c’était peut-être pas un si bon système que ça finalement.

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