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Un débat fait rage au sein de ce que le collègue Patrick Lagacé appelle souvent le «commentariat» : pour ou contre les commentaires du public. La question refait surface (encore) cette semaine à la suite d’une chronique de la journaliste Marie-Claude Ducas dans Le Journal de Montréal, dans laquelle elle pose la question suivante : Comment les journalistes, les chroniqueurs et les blogueurs reçoivent-ils les commentaires en ligne des lecteurs?

On aborde la chose comme si elle était nouvelle. Or, ça fait depuis que l’internet existe qu’on se pose la question. Le mot Nétiquette a été inventé en 1995, en même temps que le poste de «modérateur». Dans un texte où il déclare la désuétude du commentaire de bananebanane_69, Patrick Lagacé se souvient de cette ère prétrollienne où, dans ses souvenirs, les commentaires étaient plus pertinents. Bien qu’il soit vrai qu’il a tâté du blogue avant tout le monde, je ne suis pas certaine que l’expertise de Patrick Lagacé soit très à jour. Désolée mononc’.

Bien sûr, les choses ont changé avec l’arrivée du web 2.0, qui rendait plus facile encore la participation de n’importe quel quidam. En 2013, la référence en matière de vulgarisation scientifique Popular Science décidait de fermer sa section commentaires en se fondant sur des données… scientifiques. Celles-ci révélaient, en gros, que les commentaires nuisaient à la science parce que les lecteurs accordaient plus de crédibilité à un commentaire qui confortait leur opinion qu’à une source fiable. Plusieurs ont reproché à Popular Science de jeter trop rapidement l’éponge. Dans l’univers du point de vue, des solutions existent, même si elles sont imparfaites, pour séparer le bon grain de l’ivraie.

De nouvelles plateformes permettent en effet aux lecteurs de participer eux-mêmes à ce tri, en votant pour ou contre les commentaires ou en les commentant. Vous allez dire qu’il s’agit là du triomphe suprême de l’économie de l’opinion, mais généralement, ça fonctionne. Les commentaires les plus pertinents se retrouvent en haut de la pile et les diatribes violentes sont naturellement élaguées. Parce que non, tout le monde n’est pas si con.

J’ai eu récemment l’agréable surprise de voir cette autorégulation épitextuelle à l’œuvre à la suite d’un billet de Ton Barbier, blogue de tendances masculines qui ne saisit visiblement pas l’air du temps. Le billet publié pour la Journée du droit des femmes faisait l’éloge de stéréotypes féminins déphasés. La maladresse du propos a vite été soulignée par des lecteurs avertis, qui se sont retrouvés en tête de liste. J’ai trouvé ça beaucoup plus agréable (et démocratique) que la fois où La Presse n’a publié aucune des nombreuses réponses envoyées à un texte rétrograde de Lysiane Gagnon sur les personnes trans.
Car, croyez-le ou non, les commentaires peuvent être pertinents. Ils peuvent amener de l’eau au moulin, nous faire réfléchir, apporter des précisions et même nous faire changer d’avis. Les tribunes dont nous jouissons, comme journalistes, sont d’immenses privilèges, et les lecteurs, bien qu’ils aient maintes occasions de s’exprimer, semblent vouloir partager ce privilège avec nous. Donnons-leur les moyens de le faire intelligemment.

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