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Pierre Karl a un ami Noir

Qu’y a-t-il de plus malheureux que la déclaration maladroite de Pierre Karl Péladeau sur l’impact de l’immigration sur le projet d’indépendance? Ses excuses.

Mercredi, le candidat à la chefferie du PQ créait un malaise lors d’un débat à l’Université Laval en déclarant qu’«on n’aura pas 25 ans devant nous pour […] réaliser [l’indépendance]. Avec la démographie, avec l’immigration, c’est certain qu’on perd un comté chaque année. On souhaiterait pouvoir mieux les contrôler, mais ne nous faisons pas d’illusion. Qui prend en charge les immigrés qui viennent s’installer ici au Québec? C’est le gouvernement fédéral. Certes, nous avons une compétence partagée, mais on prête serment à la reine. Alors on n’a pas 25 ans devant nous, c’est maintenant que nous devons travailler».

Ce qu’il y avait de plus malheureux dans cette déclaration jusque-là, c’est qu’elle ne risquait peut-être même pas de miner les chances de l’actionnaire majoritaire de Québecor de se hisser à la tête du parti fondé par René Lévesque. La déclaration malaisante a été accueillie par de chauds applaudissements parmi les partisans du PQ. Sur les réseaux sociaux, plusieurs militants péquistes donnaient de la valeur aux propos dérangeants du candidat. «Il dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas», disaient les uns. «Il n’a pas tort», déclaraient d’autres. Sans surprises, cette déclaration a valu à PKP un appui gênant de la Fédération des Québécois de souche, un groupe à tendance néonazie.

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Les chiffres ne tendent pas à lui donner raison. Mais que cette déclaration soit fondée ou non n’en fera pas une déclaration acceptable. Si les Québécois issus de l’immigration étaient vraiment responsables du maintien du Québec dans la fédération, faudrait-il vite se dépêcher à s’enfermer dans un pays parce qu’il est de moins en moins désiré? Le pays, voulez-vous le faire par nostalgie du passé, ou pour les générations futures?

Avant toutes choses, comme l’ont souligné plusieurs adversaires de PKP, ne faudrait-il pas songer à inclure tous les Québécois dans le projet de pays pour que tous s’y sentent interpelés? Il est évident que si l’indépendance est un projet purement fondé sur le nationalisme identitaire, l’exclusion et le rejet de tout ce qui ne ressemble pas à une toune de Beau-Dommage, il ralliera de moins en moins de gens. On n’attire pas des mouches avec du vinaigre, comme disait ma grand-mère.

Mais ce qu’il y a de plus malheureux encore que la déclaration de PKP ou le peu d’émoi qu’elle a suscité au sein du Parti Québécois, ce sont ses excuses. Après avoir réaffirmé ses propos en matinée jeudi, Pierre Karl s’est dédit en après-midi. «J’aimerais m’excuser de la malheureuse phrase sur la démographie et l’immigration que j’ai dite hier. Cette phrase était inappropriée et ne reflète pas ma pensée», a-t-il convenu en espérant sûrement que cette gaffe ne lui collerait pas à la peau tout au long de la campagne et qu’elle serait oubliée définitivement lors des prochaines élections provinciales.

Si ces plates excuses ne vous avaient pas convaincues que PKP ne considère pas vraiment les Québécois issus de l’immigration comme des Québécois de seconde zone, les mots qui ont suivi n’ont pas aidé. «Je travaille d’ailleurs étroitement avec le député de Bourget Maka Kotto pour que nous engagions un dialogue constant, riche et convergent de nos expériences respectives», a confirmé le magnat de la presse. Il s’est bien gardé d’écrire «j’ai un ami Noir, preuve que je ne suis pas raciste», mais dans les fait, c’est tout comme. Notez au passage l’utilisation du mot «dialogue», qui trahit une perception exogène des membres de la société dont les ancêtres ne sont pas arrivés par bateau au XVIIe siècle.

Sans vouloir remettre en question la probité de Maka Kotto, je trouve dommage de voir ce député être instrumentalisé en vertu de la couleur de sa peau. D’abord, être d’une origine ethnique différente de la majorité ne vous prémunit pas contre le racisme et ne devrait en aucun cas faire de vous un joker sur les questions d’intégration.

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