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C’est beau, tu peux respirer

La communauté gaie de l’Indiana a retenu son souffle alors que l’adoption d’une loi restaurant les libertés religieuses menaçait de rendre tout à fait légale la discrimination à l’endroit des homosexuels. Ironiquement, cette histoire a quelque chose de rassurant.

Selon une première version de la loi, un commerçant, disons, un pâtissier aurait pu refuser de concocter un gâteau pour célébrer le mariage d’un couple de même sexe, prétextant que cela va à l’encontre de ses valeurs religieuses. En réalité, le choix de cet exemple n’est pas fortuit. Dans une décision récente, des pâtissiers de l’Oregon ont été condamnés à verser 150 000$US en dédommagement à un couple de lesbiennes qu’ils avaient refusé de servir en 2013, sur la base de croyances religieuses.

L’Amérique a déchiré sa chemise autour de cette question, dont la pâtisserie homophobe n’est qu’une incarnation. Des commentateurs conservateurs ont dénoncé une tyrannie du lobby gai forçant d’honnêtes commerçants à «rentrer dans le placard» avec leurs croyances religieuses. La décision rendue par la Cour suprême en faveur de Hobby Lobby, un magasin de bricolage dont la direction refuse d’inclure la pilule du lendemain dans son régime d’assurances pour des motifs religieux, a aussi alimenté le débat.

Les lois visant à restaurer les libertés religieuses aux États-Unis découlent pourtant, depuis les années 1990, de bonnes intentions. Une décision favorable à l’égard des membres d’une Église autochtone congédiés après avoir consommé du peyotl, un cactus hallucinogène, lors d’une cérémonie religieuse, ouvrait la voie à ces réformes visant à protéger les droits des minorités religieuses. Mais en 2015, c’est clairement un parfum d’intolérance qui émane de cette initiative républicaine.

Face à un tollé et d’importantes menaces de boycott (Apple, Colts, Yelp, etc.), la loi sera finalement modifiée. Les droits civiques préexistants, ceux protégeant les minorités, notamment, ne pourront pas être outrepassés par la loi. Ainsi, il sera impossible pour les homophobes d’inscrire «On ne sert pas les gais» devant leur commerce.

Somme toute, il y a quelque chose de rassurant à savoir que les lois protègent si bien les droits des homosexuels que les bigots ressentent le besoin de les faire modifier pour pouvoir vivre pleinement leur homophobie. Il est surtout rassurant de constater que ces lois suscitent une dissension si grande au sein de la société américaine qu’il est presque impossible qu’elles soient adoptées. On peut se faire des peurs en apprenant qu’un hurluberlu a proposé qu’il soit possible de «tirer à vue sur les homosexuels» en Californie, mais il faut bien convenir que cela n’arrivera jamais.

Bien sûr, les lois canadiennes, québécoises et américaines diffèrent en matière de libertés religieuses et d’acceptation de l’homosexualité, mais reste que cette histoire nous montre qu’il y a des limites à ce qu’on peut bafouer dans un État de droit. À moins bien sûr qu’on ait créé des précédents.

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