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Hommes interdits

Je suis féministe et moi non plus, je ne comprends pas l’objectif, le but ou la nécessité des manifestations non mixtes. Il faut dire que je suis mal placée pour comprendre. Je dois être assez privilégiée, puisque je n’ai jamais le sentiment de ne pas pouvoir exprimer mon point de vue en tant que femme, dans quelque contexte que ce soit. J’ai une super grande gueule, comme en témoigne en partie mon choix de carrière.

Je suis mal placée pour comprendre, surtout, parce que s’il y a une place sur terre où je me sens mal à l’aise, c’est bien dans une manifestation, qu’elle soit mixte ou non. Je fais donc rarement l’expérience des manifs et peux difficilement mesurer l’inconfort généré par le fait de partager la rue avec des personnes du sexe opposé. Je pourrais longuement vous parler de celui de partager l’aire des poids libres au gym, mais ça, c’est une autre histoire.

Ceci étant dit, ce n’est pas parce que je ne comprends pas, personnellement, pourquoi on voudrait exclure les hommes d’une manifestation féministe que cela rend la chose illégitime. Et je serais encore plus gênée de me prononcer sur cette question si je n’étais pas féministe ou encore si je n’avais jamais fait l’expérience d’être une femme.

Je sais toutefois qu’il serait trop facile de réduire cette exclusion ponctuelle, circonstancielle, stratégique, à la discrimination involontaire et insidieuse subie régulièrement par des femmes dans la sphère publique. Les femmes ont été exclues trop longtemps pour que le fait de revendiquer un espace sans hommes de manière ponctuelle équivaille à la taverne des années 1950.

Le plus grand problème des manifestations non mixtes n’est pas qu’elles soient non mixtes, mais qu’elles soient non expliquées. Dans un topo vidéo diffusé par La Presse, une militante féministe disait que ça envoyait un «bon message». Malheureusement, je ne crois pas que ce soit le cas. Pour qu’un message soit «bon», qu’il ait l’effet escompté, il doit d’abord être compris, et pour qu’il soit compris, il doit être expliqué, communiqué.

Or, il y a cette idée répandue dans certains milieux féministes qu’il n’incombe pas aux féministes d’éduquer les hommes sur le bien-fondé de leur démarche, mais aux hommes de s’éduquer eux-mêmes. Je comprends l’idée, mais au risque de passer pour une pragmatique radicale, je pense qu’il serait plus constructif d’être un peu plus proactives sur le plan communicationnel. Parce qu’ultimement, j’imagine que ce ne sont pas les gens dans la manif et qui pensent comme nous qu’on veut convaincre, mais ceux qui n’y sont pas.

Plusieurs hommes – et femmes – ne sont pas convaincus de la pertinence d’une manifestation non mixte. Force est de constater que cela génère même, au-delà de l’incompréhension, de la colère et du mépris. À défaut d’explications, voire de pédagogie, il ne faut pas s’étonner que des médias renvoient une image tordue du féminisme, et que des spectateurs se confortent dans cette idée que le mouvement féministe est une aberration.

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