Soutenez

La vie sans lunettes roses

Nous étions en terrain ami hier au lancement de Second début, cendres et renaissance du féminisme, de Francine Pelletier. Tout le monde, là, pensait comme nous ou presque. Il y a quelque chose de réjouissant, on se le dit souvent entre féministes, à voir qu’il y a présentement un momentum en faveur de la cause des femmes – et par ricochet bien d’autres causes sociales.

Quand j’ai rencontré Francine Pelletier au début de 2015 avec Marie-Claude Beaucage et Marianne Prairie, nous nous entendions toutes pour dire que «quelque chose se passait». Il s’était en effet passé en 2014 toutes sortes d’événements qui avaient remis le féminisme au goût du jour, de Beyoncé se déhanchant devant le mot écrit en taille 628 aux MTV’s à Emma Watson invoquant la participation des hommes au mouvement, en passant par tous les #AgressionNonDénoncée, #YesAllWomen et autres manifestations du genre.

Je croyais naïvement que cette promesse que notre génération reprenne le flambeau allait faire plaisir à nos «vieilles féministes». Et dans un sens, plusieurs s’en réjouissent. Mais elles en ont vu d’autres. C’est un récit lucide des belles et moins belles années du féminisme que nous livre Francine Pelletier dans cet essai percutant publié chez Atelier 10, de la publication de La vie en rose aux attentats de Charlie Hebdo. Vous ne comprenez pas le lien? Lisez le livre.

En 80 pages, Francine Pelletier réussit à ramasser toutes les idées contradictoires qui font du féminisme un mouvement si complexe et multiple… et du fait d’être une femme hétérosexuelle une chose si compliquée, mais ça, c’est une autre histoire. Elle prend à bras le corps, entre autres questions insolubles, celle de l’hypersexualisation : alors que les femmes pensent s’approprier leurs corps, leur image continue de les «objectifier». Quelle stratégie choisir alors? Céder à la tyrannie ou garder la tête haute et le décolleté bas? Voilà un dilemme duquel on ressort forcément perdantes, une question que n’ont pas à se poser les hommes.

J’ai lu cet essai comme une mise en garde. «Cette impression […] d’être à la bonne place au bon moment va malheureusement nuire à mes expériences de travail subséquentes», révèle Francine Pelletier, et je dois avouer que malgré mon enthousiasme pour la cause, il n’y a pas une journée où je ne me dis pas qu’un bon moment, on va bien finir par me trouver casse-pied mes idées fatigantes et par cesser de vouloir mon avis. Une autre question que d’autres n’ont sûrement pas à se poser.

Le féminisme a le vent dans les voiles aujourd’hui comme en 1979. Et si l’histoire se répète toujours deux fois, comme nous le rappelle Francine Pelletier, son déclin pourrait aussi survenir à tout moment. Ce que ce récit nous rappelle aussi cruellement, c’est qu’il n’aura fallu qu’un événement comme la tuerie de Polytechnique en 1989 pour que les revendications féministes soient considérées rébarbatives. Ça aurait dû être exactement le contraire.

Marc Lépine a gagné.

Tâchons que cela ne se reproduise plus.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.