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Génocide et indifférence

La Commission de vérité et réconciliation déposait mardi son imposant rapport sur les torts commis par le Canada envers les peuples autochtones. Ses conclusions sont accablantes. On y découvre l’histoire tordue d’une entreprise d’assimilation que la commission n’hésite pas à qualifier de génocide culturel.

Si vous en doutez, la commission rappelle qu’en 1883, le premier ministre John A. Macdonald, l’homme que l’on célèbre sur nos 10$, affirmait que les «sauvages» resteraient des «sauvages» tant qu’ils fréquenteraient l’école sur les réserves et que le seul moyen qu’ils acquièrent les «us et coutumes des hommes blancs» était de les retirer le plus possible de l’influence parentale et de les placer dans des écoles centrales industrielles. Les compétences parentales des autochtones étaient, par défaut, désavouées. Cette assimilation a perduré de différentes manières jusqu’en 1996.

Le rapport appelle 94 actions pour réparer les pots cassés. Malheureusement, il y a peu d’espoir que ces propositions soient mises en pratique. Pas parce qu’elles sont trop nombreuses, comme l’ont suggéré certains, mais parce que le gouvernement actuel démontre une indifférence totalement décomplexée à l’égard des peuples autochtones. Oh! il a bien formulé des excuses en 2008 au nom du Canada. Des excuses aussi senties que celles qu’on force à dire à un enfant de sept ans qui a bousculé un ami.

Pour le reste, les conservateurs refusent obstinément de tenir une enquête sur la disparition des femmes autochtones dans des proportions génocidaires. Ce même gouvernement a refusé d’appuyer une motion contre la violence faite aux femmes, en chambre la semaine dernière, probablement parce que cette motion rappelait l’importance de tenir une telle commission d’enquête. Le ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, a peut-être résumé le mieux la position de son gouvernement en restant assis lors de la cérémonie de clôture de la Commission de vérité et réconciliation, alors que la foule ovationnait son président, le juge Murray Sinclair.

D’aucuns diront que le terme «génocide culturel» est abusif pour décrire les horreurs vécues par des centaines de milliers d’enfants autochtones. Le premier ministre a évidemment tenu à minimiser la chose en parlant plutôt d’«assimilation forcée». Mais cette négociation lexicale ne devrait pas nous empêcher de considérer les faits pour ce qu’ils sont: les peuples autochtones ont été persécutés, leur culture, leurs croyances et leurs terres leur ont été volées, et les conséquences à long terme de cette violence institutionnelle sont palpables. Il s’agissait bel et bien d’empêcher «un groupe de demeurer un groupe», pour reprendre les mots de la Commission.

Peut-être qu’un terme comme «génocide» est ce qu’il faut pour éveiller la conscience des Canadiens et des Québécois, qui semblent, sinon, sourds ou indifférents face à cet enjeu. Car c’est justement grâce à cette indifférence que les conservateurs peuvent se laver si facilement les mains quant aux questions autochtones. Pas d’électeurs concernés, pas d’enjeu. Dans un monde idéal, les gouvernements provinciaux prendraient aussi acte du rapport, dont plusieurs propositions, notamment celles concernant l’éducation et l’enfance, sont de leur ressort.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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