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Conduire comme un homme

Photo: Getty Images/Polka Dot RF

Une apprentie conductrice a révélé dans le courrier des lecteurs de La Presse que, pour obtenir son permis d’apprentie de la SAAQ, elle avait dû répondre à cette question: «La conduite est un plaisir pour: a) les filles, b) les garçons, c) les garçons et les filles, ou d) les parents.» «Je fais part de mon ébahissement à l’enseignant, écrit l’élève. Il rigole et me répond que le plus fou, c’est que certaines personnes se trompent.» Or, elle a échoué en répondant c).

Contactée, la SAAQ affirme que cette question – sexiste, disons-le – ne fait pas partie des examens officiels de la SAAQ, mais qu’elle est effectivement formulée – avec quelques nuances – dans un questionnaire de la SAVIE, une organisation qui offre des services d’apprentissage en ligne aux écoles de conduite. Le libellé serait plutôt: «Complétez la phrase pour qu’elle soit vraie. Le but de la conduite est surtout le plaisir: a) pour les filles, b) pour les garçons, c) pour les garçons et les filles.»

«Ce n’est pas tout à fait la même chose que ce qui est rapporté par la citoyenne, mais sachez que la Société a fait une intervention auprès de l’organisme qui administre ce site pour que soit retirée cette question qui sera retravaillée […]», m’a répondu par courriel une relationniste de la SAAQ.

Ainsi, comme elle me l’a expliqué, la différence entre les garçons et les filles quant à la conduite automobile demeurera dans le cursus, puisqu’il s’appuie sur des faits et des études selon lesquels, de façon générale, le taux d’accidents mortels des jeunes conducteurs masculins est supérieur à celui des jeunes conductrices. Cela s’expliquerait par plusieurs facteurs, dont le fait que les garçons associeraient davantage la conduite au plaisir et à la recherche de sensations, et seraient dont plus enclins à prendre des risques, à surestimer leurs capacités ou à être influencés par leurs amis. Les filles, elles, seraient plus prudentes et considéreraient davantage la voiture comme un simple moyen de se déplacer.

Cela n’a rien d’étonnant, en fait, les garçons et les filles étant socialisés différemment. Dès la plus tendre enfance, on incite inconsciemment les garçons à être plus téméraires et les filles à être plus sages. Mais lorsqu’on parle de la différence entre les gars et les filles, il est important d’accompagner cette distinction de ce qui la cause. Sinon, il serait tentant de conclure que les gars sont comme ci, et les filles comme ça, que ça fait partie de la nature des choses et qu’on ne peut rien y changer. Or, la plupart des études sérieuses démontrent qu’il n’y a pas de différence entre un cerveau de femme et un cerveau d’homme. Les différences de comportement qu’on peut observer s’expliquent par la culture et/ou l’éducation.

À un internaute qui faisait valoir que, pour savoir conduire, on n’avait pas vraiment besoin d’être au courant des stéréotypes de genre, les gestionnaires du compte Facebook de la SAAQ ont répondu que «l’information concernant le comportement des conducteurs permet à l’apprenti de prendre conscience des écueils qui le guettent». Mais en véhiculant des stéréotypes sans en expliquer les fondements, la SAAQ ne fait-elle pas que les renforcer et légitimer des comportements dangereux? Les exigences pour être un «vrai homme» sont déjà assez nombreuses, faudra-t-il y ajouter celle de conduire périlleusement? Je sais qu’éradiquer les stéréotypes ne fait pas partie du mandat de la SAAQ, mais pour contrer les comportements dangereux, peut-être vaudrait-il mieux intervenir en amont, auprès des parents et de la société en général, qui pardonnent plus facilement la turbulence des garçons, étant convaincus que c’est dans leur nature.

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