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Légitimer la vendetta

L’an passé, en plein mouvement #AgressionNonDénoncée, trois professeurs de l’UQAM passaient – peut-être avec raison – pour les victimes innocentes d’une campagne de salissage. Des autocollants posés sur la porte de leurs bureaux dénonçaient, sans forme de procès, les comportements de ces professeurs, qui pouvaient aller, ce n’était pas précisé, du commentaire déplacé au viol.

Cette appropriation radicale de l’appel à la parole avait quelque peu terni l’image du mouvement. Des personnes qui avaient récemment découvert avec compassion que plusieurs femmes avaient été agressées sans toujours pouvoir le dire dénonçaient toutefois cette forme de délation. Et pendant que l’administration de l’UQAM implorait les victimes d’agressions sexuelles de déposer sagement leur plainte au Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement de l’UQAM, les associations étudiantes alléguaient que seulement la moitié des plaintes déposées étaient «jugées recevables» par cette instance dite appropriée.

Dans toute cette histoire, l’UQAM semblait beaucoup plus disposée à protéger la réputation de ses professeurs qu’à instaurer un climat de sécurité pour ses étudiantes. Toutefois, la direction avait consenti à prendre les mesures nécessaires pour corriger le tir, à prendre ses responsabilités. Il était de bon ton de donner la chance au coureur. Or, ce matin, on apprend sous la plume de Rima Elkouri que les responsabilités de l’UQAM en matière d’agression sexuelle semblent s’arrêter aux murs de l’institution. 

«…Bien qu’une enquête menée à la suite d’une plainte contre un professeur au Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement de l’UQAM démontre qu’il y a bel et bien eu harcèlement sexuel, l’université a décidé de n’appliquer aucune sanction. Raison invoquée ? Le comportement reproché au professeur a eu lieu à l’extérieur du campus, dans un cadre non universitaire», relate la journaliste de La Presse.

Voilà une illustration très concrète du peu de sérieux avec lequel sont traitées les plaintes pour agressions sexuelles à l’UQAM. Une illustration qui donne raison aux étudiantes de ne pas faire confiance «aux voies officielles» et qui légitime en quelque sorte la prise en charge par des moyens extraordinaires de la justice par les victimes d’agression. Si le système en place démontre qu’il ne fonctionne pas, les victimes se sentiront non seulement justifiées de se faire justice elles-mêmes, elles auraient toutes les raisons d’opter pour une telle stratégie si elles veulent que l’administration prenne la situation vraiment au sérieux, et que les choses changent, puisqu’il semblerait que la pire chose qui puisse arriver à l’UQAM n’est pas que l’intégrité de ses étudiantes soit mise en péril, mais celle de ses professeurs.

Il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les étudiantes, dont le lien de confiance avec l’administration est rompu, mais aussi pour les professeurs, dont la réputation pourra continuer d’être compromise parce que l’administration n’aura pas fait preuve d’assez de diligence dans ce dossier.

Cette nouvelle survient alors qu’à l’Université de Toronto, la semaine dernière, un blogueur a proféré des menaces de mort à l’endroit des «féministes de l’Université de Toronto qui ruinent votre vie avec de fausses accusations de viol». Pour ceux qui en doutent, précisons que le problème ici n’est pas que cette personne ait le sentiment que «les féministes» distribuent les accusations de viol pour le plaisir, mais bien que la prise de parole féministe, qui dérangera vraisemblablement toujours, suscite des menaces de mort. Une réponse adéquate à ces enjeux n’est pas le laxisme, mais la mise en place d’un système dans lequel tous pourront avoir confiance.

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