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Tous les Autochtones

Le vidéoclip de Natasha St-Pier, c’est chien pour les Acadiens, c’est chien pour les magasins de souvenir ainsi caricaturés, mais c’est surtout chien pour les membres des Premières nations.

Alors qu’un certain consensus semble avoir été atteint chez nous quant à l’offense que pouvait constituer le port de la coiffe autochtone dans un contexte non autochtone et non spirituel, il serait tentant de croire que Natasha St-Pier n’avait pas reçu le mémo. Paris, c’est loin. Mais le pire, c’est que non. Elle était bien consciente qu’il y avait matière à controverse. En entrevue à l’émission de Pénélope McQuade, le 31 août dernier, la chanteuse d’origine acadienne expliquait qu’elle ne «voulait vexer personne» et qu’elle s’était assurée avec un «chef indien» de choisir «un code de couleurs qui ne voulait rien dire» de manière à ne pas «voler une signification». Quelques plumes de paons et hop, tout le monde serait content. Bien essayé, Natasha.

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Pourtant, on peut difficilement mieux illustrer le concept d’appropriation culturelle qu’avec le vidéoclip Tous les Acadiens, dans lequel une Natasha tout sourire se fait du capital de sympathie auprès de son public français en utilisant les symboles culturels d’un groupe minoritaire qui continue d’être opprimé. Dans ce clip, coiffes guerrières et capteurs de rêve sont utilisés dans un contexte caricatural pour conforter l’idée que se font certains Français de l’Acadie et des contrées lointaines du Canada peuplées d’«Indiens» dans le simple but d’atteindre des objectifs marketing.

Or, on doute que Natasha St-Pier utilisera sa tribune pour sensibiliser le monde à la cause des Premières nations, au fait que 1200 femmes autochtones aient été assassinées ou soient disparues depuis 1980 et que le gouvernement sortant refuse de mener une enquête pour comprendre les causes de ce féminicide; que dans un pays du G7, des humains vivent dans des conditions semblables à celles du tiers-monde; que des terres ancestrales soient usurpées au profit du développement économique ou que le gouvernement ait voté une loi assimilant des militants des Premières nations à des terroristes. Pour ça, vaudra mieux compter sur Miss Univers. Dans le clip de Natasha St-Pier, le folklore, ramené à son exotisme le plus insouciant et à une esthétique bucolique, fait fi de la réalité des Premières nations.

Le concept d’appropriation culturelle – le fait, pour les membres d’un groupe dominant, de s’approprier pour le fun les éléments culturels d’un groupe opprimé – est utile pour nous faire comprendre l’impact qu’un statut de peuple colonisateur peut avoir sur les relations qu’entretient ce dernier avec les groupes colonisés. Le fait que la plupart des médias semblent s’être souciés davantage de la réception du vidéoclip par les Acadiens que par les peuples des Premières nations n’est-il pas, en soi, un réflexe colonial?

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