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La game ne vient pas juste de changer

Marcel Aubut. Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Archives Métro

 

Contrairement à ce que semble croire Réjean Tremblay, lorsqu’il écrit que «les hommes devront maintenant apprendre à trouver leurs marques dans ce nouvel univers [ou le harcèlement sexuel n’est pas toléré», la game ne vient pas tout juste de changer. Il n’y a rien de «nouveau» dans notre univers. S’il y a quelque chose de nouveau, c’est que les femmes dénoncent les comportements harcelants. Et même ça, c’est pas vraiment nouveau.

En 1987, la Cour suprême du Canada rendait un jugement en faveur de Bonnie Robichaud, une employée du ministère de la Défense qui avait été victime de harcèlement sexuel de la part d’un ancien amant qui était son supérieur. Le plus haut tribunal du Canada avait statué que l’employeur était responsable de créer un climat de travail exempt de harcèlement, et que le harcèlement, plus spécifiquement le harcèlement à caractère sexuel, constituait une forme de discrimination à l’endroit des femmes.

Les personnes en situation de pouvoir ont donc eu près de 30 ans pour «trouver leurs marques» dans cet univers qui exclut la possibilité de harceler des femmes. Le sujet a fait l’objet de nombreuses discussions dans les médias. Dès les années 90, certains employeurs prenaient bonne note du jugement rendu en 1987 et commençaient à réaliser qu’il était de leur ressort de créer un climat de travail sans harcèlement. En 1993, un sondage révélait que trois canadiennes sur quatre considéraient que le harcèlement sexuel était un problème sérieux. En 1994, les plaintes pour harcèlement doublaient presque, signe que le mémo circulait bel et bien.

N’essayons donc pas de nous faire à croire que le harcèlement sexuel est l’œuvre de «mononcles» déconnectés de leur époque, qui cherchent leurs repères dans un monde en mutation, aux contours encore flous. Me Aubut, puisqu’on n’a jamais autant insisté sur son titre, est avocat. Il connaissait donc très bien les limites établies par les lois. Il ne les respectait tout simplement pas. Et même, une majorité d’hommes n’a pas besoin de connaître les lois pour ne pas ressentir le besoin de rabaisser des collègues de travail au rang d’objet sexuel.

Cependant, si une majorité d’hommes ne harcèle pas les femmes, l’affaire Aubut nous renseigne sur une chose qui demeure, malheureusement, près de 30 ans après le jugement en faveur de Bonnie Robichaud : encore beaucoup trop d’individus, hommes ou femmes, excusent et/ou tolèrent des comportements inadéquats qui ont des effets discriminant sur les femmes en milieu de travail. En minimisant les gestes posés par Marcel Aubut, en voulant remettre (déjà!) le projecteur sur ses accomplissements, en salissant la réputation d’une des plaignantes, Réjean Tremblay ne fait pas que défendre un chum, il défend un système. C’est là que la game doit maintenant changer. Des «Marcel, c’est Marcel», ça doit s’arrêter.

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