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Pour qui les filles s’habillent-elles?

Dans la foulée de l’affaire Aubut, le Doc Mailloux départageait à la radio cette semaine ce qui était du harcèlement sexuel de ce qui n’en était pas. Becs mouillés, accolades, regard plongeant dans le décolleté, commentaires disgracieux après avoir pris un coup: ce n’est pas du harcèlement, selon le psychiatre.

Je ne reviendrai pas sur cette classification ni sur l’affirmation selon laquelle regarder le décolleté d’une femme est acceptable, puisque cette discussion mène invariablement au questionnement suivant: à partir d’un regard de combien de temps on devient un gros colon? Une seconde? Trois secondes? Pas plus longtemps que le soleil? Je m’attarderai plutôt à l’idée reçue selon laquelle une femme qui porte un décolleté chercherait forcément à attirer les regards, idée résumée par la collaboratrice de l’émission, Sarah Désilets-Rousseau, dans la phrase: «Si tu veux pas te faire regarder, mets pas de décolleté».

Au-delà du fait que cette idée a une certaine parenté avec toutes celles qui insinuent que les filles qui se font agresser l’ont bien cherché, elle a l’avantage de simplifier les dynamiques impliquées dans les choix vestimentaires des femmes. Les femmes s’habilleraient soit pour être confortables, soit pour attirer les regards des hommes. Or, n’allez pas imaginer que s’habiller est si simple.

On choisit des vêtements parce qu’ils nous font nous sentir bien dans notre peau, parce qu’on les trouve jolis, parce qu’ils correspondent à une mode, parce qu’ils répondent à des normes. Selon le milieu, un vêtement peut nous permettre d’attirer l’attention, d’inspirer la confiance ou de passer inaperçu. Les raisons qui peuvent pousser une fille à vouloir porter un décolleté sont multiples: la robe est vraiment parfaite, les normes du milieu sont tellement puissantes que ne pas porter de décolleté attirerait davantage l’attention, le chandail est super confo. Il se peut même qu’on porte un décolleté sans même réaliser qu’on porte un décolleté, tellement on a choisi le vêtement en fonction à d’autres préoccupations. C’est ce que je réalise parfois quand je rends visite à ma grand-mère et que mon t-shirt en révèle un peu plus que prévu quand je me penche vers elle.

Évidemment, une femme pourra toujours choisir de porter un décolleté ou non. Mais je connais peu de femmes – bien qu’elles existent, et c’est ben correct aussi – dont la principale préoccupation soit d’attirer le regard sur leurs seins. Surtout, je ne pense pas qu’on puisse présumer de leurs intentions simplement en constatant que le «tiers de leurs seins» est découvert. Selon cette logique, les femmes qui se promèneraient la chevelure au vent souhaiteraient qu’on se perde dans leur tignasse, celles qui porteraient des jupes en haut des chevilles enverraient insidieusement des messages lubriques.

Les personnes qui sont en manque de repères peuvent toujours se rabattre sur ce guide simple: quelles que soient leurs intentions présumées ou affirmées, les femmes ne sont la propriété de personne, et elles ne sont pas là pour plaire au regard des hommes.

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