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«Sexy Justin»

Depuis que Justin Trudeau a été élu premier ministre du Canada, le monde entier semble découvrir le sex-appeal de notre nouveau leader, tantôt nommé «dirigeant le plus sexy de tous les temps», tantôt déclaré «baisable sans faire scandale».

Pour les Canadiens, qui ont grandi avec Justin Trudeau et qui l’ont vu passer d’enfant de politicien à politicien maladroit, c’est un peu comme de réaliser que son petit frère de 14 ans commence à pogner à l’école. Jamais nous n’aurions pu imaginer que son apparence physique puisse faire un tel effet, même si nous savions qu’il n’était pas laid.

Mais au-delà de l’étonnement que suscite cette réaction de nos voisins américains ou de nos cousins français – qui le trouvent aussi «beau gosse» –, quelle réflexion peut-on tirer de cette conversation sur l’apparence physique des politiciens en général, et de Justin Trudeau en particulier?

Plusieurs ont souligné le double standard selon lequel il eût été controversé de réserver le même traitement médiatique à une politicienne. Vrai. Mais le double standard réside surtout dans le fait que Justin Trudeau n’appartient pas à un groupe qui a toujours été objectifié et/ou réduit à son apparence physique dans le but d’être disqualifié. Dire d’une femme qu’elle est «baisable» ou «chaude» ou «sexy» la transforme en chose à prendre, un effet que n’auront jamais les mêmes propos adressés à un homme. Si les deux sont condamnables, ils ne sont toutefois pas comparables.

Quoi qu’il en soit, on peut douter de la pertinence d’érotiser Justin Trudeau, ne serait-ce que parce que le contenu devrait toujours l’emporter sur le contenant. Mais est-ce toujours le cas? De nombreuses études se sont penchées sur l’impact de l’apparence physique dans l’accès à l’emploi. Un physique plus conforme aux canons de beauté ouvrirait davantage de portes, effet exacerbé par la confiance que procure le sentiment subjectif d’être beau. Être joli est un atout politique de taille, pas seulement sur le plan électoral, mais aussi sur la scène internationale.

Comment doit-on aborder la question de l’apparence physique de nos politiciens, s’il s’agit à la fois d’une question superficielle potentiellement discriminante et d’un enjeu parfois déterminant? Au cas par cas, j’imagine. Gaétan Barrette a régulièrement fait l’objet de railleries au sujet de son poids. Mais n’est-il pas pertinent de s’intéresser à l’indice de masse corporelle d’une personne à qui on veut confier le ministère de la Santé? Lors de la campagne provinciale de 2012, aucun média sérieux n’aurait osé aborder la question de la moustache de Manon Massé, qui était pourtant sur toutes les lèvres. Une entrevue avec la candidate de Québec solidaire à ce sujet nous aura toutefois permis d’aller au-delà de l’image et d’aborder des enjeux plus profonds tels que le féminisme, la transphobie, l’intimidation, et… la formation d’une assemblée constituante. Par contre, il serait difficilement justifiable de formuler quelque commentaire que ce soit sur la barbe du XIXe siècle du nouveau député bloquiste Gabriel Ste-Marie.

Peut-être qu’en discutant de sex-appeal avec Justin Trudeau, nous découvririons une réflexion derrière la surface. Ou peut-être pas. En attendant, admettons-le, d’un point de vue marketing, ça ne fait pas de tort au Canada de projeter une nouvelle image à l’étranger.

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