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Cachez ce discours que l’on ne saurait entendre

Un Souper Presque Parfait Photo: V Télé / Facebook

Une candidate de l’émission Un souper presque parfait a suscité l’émoi après avoir déclaré que les personnes handicapées n’avaient pas leur place dans la société. «On peut pas traiter les handicapés genre pis le monde qui sont fous genre de la même façon que nous tsé y font pas partie de la société parce que tsé en tant que tel nous on paye pour eux mais tsé y contribuent à rien dans la société [sic2]», explique la participante en se lavant les mains.

Certains auraient voulu voir cet extrait de ce «spécial Québec» coupé au montage, soit pour protéger la participante d’elle-même, soit pour éviter de propager la haine. D’autres estiment que le montage de l’émission ne rend pas justice aux propos de la cuisinière en herbe, comme si de telles paroles pouvaient s’expliquer ou se nuancer de quelque manière que ce soit.

Évidemment, la participante ne demande pas la mort des personnes handicapées et atteintes de maladies mentales, elle ne fait «que» raisonner qu’ils n’ont pas leur place dans la société puisqu’ils n’y contribuent pas. Ah, le fameux amalgame entre citoyen et contribuable. Pourtant, n’est-ce pas le reflet d’un préjugé prégnant dans la société? La participante n’a-t-elle pas dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas et, le cas échéant, n’est-il pas pertinent de reconnaître que ce discours existe pour pouvoir mieux le dénoncer? Ce n’est pas comme si une personne en position d’autorité, comme un ministre, par exemple, tenait ce discours, ce qui aurait pour effet regrettable de le décomplexer. Et d’ailleurs, que font les personnes en situation de pouvoir qui nous prouverait que pour eux, les personnes en situation de handicap ont bel et bien leur place dans la société?

Bien sûr, individuellement, la majorité d’entre nous ne pense pas que les personnes handicapées n’ont pas leur place dans la société. Mais concrètement, que faisons-nous collectivement pour le démontrer? À part nous émouvoir face au discours réactionnaire d’une jeune femme, un discours déplorable mais sans impact majeur à côté de ce que peuvent faire les gouvernements pour changer le quotidien des personnes en situation de handicap – comment l’intégration de ces personnes nous préoccupe-t-elle réellement?

L’accessibilité était-elle un enjeu de la dernière élection fédérale? Non. Savez-vous seulement quels étaient les engagements des partis politiques à l’égard des personnes handicapées? J’en doute. Avons-nous pris la rue lorsque le gouvernement Couillard a voulu couper dans l’aide au logement des personnes handicapées? Non. Avons-nous manifesté massivement contre les coupes au transport adapté, alors que les moyens dont disposent les personnes en situation de handicap pour se déplacer sont déjà réduits à leur plus simple expression? Le fait que des personnes en situation de pouvoir coupent ou envisagent de couper dans des services aux personnes qui sont parmi les plus vulnérables n’est-il pas plus indécent que les propos mal informés d’une personne de 20 ans?

Il est bon de s’outrer contre les propos insensibles d’une participante de téléréalité, mais cessons d’être hypocrites et de se donner bonne conscience en lynchant l’individu fautif. Ce discours ne fait que refléter une conception comptable de la citoyenneté dont plusieurs radio-poubelles font la promotion quotidiennement, en plus de témoigner du manque de considération que l’on accorde généralement aux personnes handicapées. Si la diffusion de cet extrait ne pouvait que nous faire réfléchir à la place que nous faisons aux personnes handicapées dans la société, ça aura déjà été ça de gagné.

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