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Négocier l’universel

Les politiciens ont l’habitude de négocier le sens des mots comme ça les arrange. Ils le font parfois avec tant d’autorité qu’ils pourraient parvenir à convaincre une bonne partie de la population que le spaghetti est un légume. Ainsi, des victimes innocentes sont des dommages collatéraux. Le mot citoyen est troqué pour contribuable. On fait de la classe moyenne des clients et de l’État un pourvoyeur de services. La laïcité devient prétexte à rejeter le bagage religieux de l’autre tout en conservant commodément le sien.

Ainsi, Gaétan Barrette a entrepris de nous offrir une alternative à la définition – universellement reconnue – du principe d’universalité. «Il y a deux façons de voir l’universalité, nous expliquait hier le ministre de la Santé. Y en a qui disent “gratuit pour tout le monde”, mais l’universalité, est-ce que ça peut être aussi l’équité pour tout le monde, donc un appui variable par l’État d’un service médical?»

La réponse est non. La définition de l’universalité ne concerne ni la gratuité ni l’équité. L’universalité, c’est le caractère de ce qui touche la totalité des êtres, l’ensemble des choses. L’expression «suffrage universel», par exemple, signifie que tous les citoyens adultes ont le droit de voter, sans égard au mérite, aux connaissances politiques, au salaire, à la propriété foncière ou aux contributions fiscales. Un tournevis universel, c’est un tournevis qui peut s’attaquer à toutes les sortes de vis.

Au Québec, l’accessibilité universelle des soins de santé, ça signifie que le régime d’assurance maladie offre une couverture complète à tous les résidants du Québec, sans égard au mérite, à l’état de santé, au salaire ou aux contributions fiscales. En vertu de ce principe, on couvrira les frais de votre triple pontage même si vous êtes multimillionnaire et que vous avez mangé un paquet de bacon par jour depuis 20 ans.

Après ça, on peut bien sûr négocier le sens des mots gratuité et équité, et sous-peser le bien-fondé de chacun de ces concepts dans notre système de santé. Ce n’est alors plus d’universalité qu’on parle, mais d’accessibilité. C’est bien mêlant tout ça, puisqu’on conviendra que si le concept d’accessibilité est compromis, c’est l’universalité qui prend le bord. Si je n’ai pas les moyens de me faire soigner en clinique parce que les frais accessoires sont prohibitifs, alors le système de santé ne me soigne plus, moi.

La loi canadienne sur la santé repose sur cinq principes, dont l’universalité et l’accessibilité. Parce que quand on place ces deux principes ensemble, on s’assure que tous auront accès sans frais au même traitement. Toutefois, on comprend bien le ministre d’avoir voulu s’attaquer au sens de l’un plutôt que de l’autre. Imaginez si on disait que l’accessibilité, ça peut être la gratuité, mais ça peut aussi être l’autorisation de frais accessoires allant jusqu’à 200$ pour l’application de gouttes dans vos yeux. On y verrait certainement plus clair.

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