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Amalgame injustifié

People place flowers and candles in front of the restaurant on Rue de Charonne, Paris, Sunday, Nov. 15, 2015, where attacks took place on Friday. The Islamic State group claimed responsibility for Friday's attacks on a stadium, a concert hall and Paris cafes that left more than 120 people dead and over 350 wounded. (AP Photo/Frank Augstein) Photo: The Associated Press

En proie comme d’autres à l’émotion, l’acteur et réalisateur Mathieu Kassovitz a appelé hier ses «amis musulmans» à se confondre en génuflexions. «Mes amis musulmans. Descendez dans la rue et faites-vous entendre. Sinon vous méritez l’amalgame dont vous êtes victime», a-t-il balancé sur Twitter, avant de retirer son message et de s’excuser. Sage décision, de la part de celui qui nous a donné La Haine, le film qui explique peut-être le mieux, aujourd’hui, le désarroi qui peut conduire une jeunesse à se réfugier dans une violence sans nom et qui devrait demeurer, dans nos esprits, sans religion.

Rien ne justifie que 23% de la population mondiale soit associée aux horreurs commises par une poignée d’abrutis, dont une majorité est issue des banlieues parisiennes. Si la violence est commise au nom d’une religion, celle-ci n’est qu’un prétexte: c’est le désoeuvrement qui appuie sur la gâchette. Les 1,6 milliards de musulmans, eux, n’ont rien demandé. Ils sont eux aussi les victimes de la haine engendrée par le carnage de Paris.

Des musulmans se trouvent parmi les victimes des attentats de Paris. Des réfugiés syriens se verront refuser l’asile en raison des attentats perpétrés à Paris. Des mosquées seront fermées sur la base de soupçons. Des musulmans seront encore davantage stigmatisés à l’emploi, injustement interpelés par la police, ralentis aux douanes en raison de la couleur de leur peau. Et en plus on voudrait… qu’ils s’excusent?

Il y a autant de différences entre Dylann Roof, le jeune homme qui a froidement assassiné neuf afro-américains et moi, qu’entre Fatima, Mohamed, et les huit terroristes qui ont pris d’assaut Paris vendredi dernier. Pourtant, il ne nous viendrait jamais à l’idée d’exhorter les blancs à dénoncer les actions d’un hurluberlu sous prétexte que celui-ci a commis son geste au nom de la suprématie blanche. Lorsque des mosquées sont bariolées de sang de cochon au Saguenay, on ne demande pas à tous les Saguenéens de s’excuser, de même qu’on n’associe pas à tous les gens de Québec à la banderole anti-réfugiés attachée à une autoroute la semaine dernière. S’il avait fallu, aux lendemains de Polytechnique, demander à tous les hommes de se dissocier du geste commis «en leur nom», on ne serait pas très avancés aujourd’hui. Il est tout aussi simpliste de suggérer que les attentats de Paris ont été accomplis au nom de l’Islam et qu’à ce titre, tous les musulmans devraient s’en dissocier.

Quand on demande aux musulmans, comme si ce type de requête allait de soi, de dénoncer l’horreur, on ne fait que tourner le fer dans la plaie. On ne réalise pas l’insensibilité que constitue le fait de demander aux musulmans de dénoncer une horreur avec laquelle ils n’ont rien à voir, si ce n’est que d’en être les victimes collatérales. Ce qui va de soi, c’est plutôt que l’horreur est d’une telle évidence que personne ne devrait avoir besoin de commettre un acte de foi pour qu’on ait la conviction qu’il la dénonce.

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