Soutenez

Qu’une couleur de l’arc-en-ciel

La discussion sur la transsexualité va bon train. Caitlyn Jenner, Aydian Dowling, chez nous Michelle Blanc : le monde compte de plus en plus de modèles pour se familiariser avec cette réalité. Les émissions sur le sujet se multiplient : Génération Trans à Télé-Québec, Jazz, ado et transgenre à Canal Vie et l’une des émissions phares de Moi et Cie cette saison est Je suis trans, à laquelle un segment de l’émission Tout le monde en parle était consacré dimanche dernier.

On pourrait croire que les enjeux trans sont PARTOUT. Et pourtant, partout, ce qu’on entend, c’est un peu la même histoire : le récit blanc et hétéronormatif d’une transition d’un sexe à l’autre, qui passe forcément par une médicalisation. On nous présente, de surcroit, des modèles de «réussite», qui seraient le reflet de la marche à suivre pour être une bonne personne trans qui «passe» dans la société. Quid des personnes trans dont le récit ne correspond pas à ce portrait idyllique.

Où sont les personnes trans de couleur? Les personnes non binaires? Les personnes trans victimes d’intimidation qui ne projettent pas de nous l’image de la société évoluée que l’on voudrait bien être? Les personnes trans qui ne «passent pas» pour le genre auquel elles s’identifient? Les personnes trans qui n’ont pas les moyens de se payer des chirurgies spectaculaires comme Caitlyn Jenner parce qu’elles subissent l’un des revers liés à leur non conformité : la pauvreté? Les personnes trans qui ne ressentent pas le besoin de faire correspondre leurs organes génitaux à leur genre parce que ce n’est pas le pénis, qui fait l’homme, ni la vulve qui fait la femme?

Dans leur courbe d’apprentissage, plusieurs en sont venus à accepter la transsexualité ou le transgendérisme comme étant le fait d’un seul symptôme : sentir qu’on n’est pas né dans le bon corps. C’est ce qu’on leur dit sur toutes les chaînes. C’est la rhétorique facilement assimilable à notre conception binaire du monde, selon laquelle il y a la lune et le soleil, le jour et la nuit, les hommes et les femmes. Or, plusieurs personnes trans n’éprouvent aucun problème avec le corps dans lequel elles sont nées : elles en ont plutôt contre l’assignation de genre qu’on leur impose en raison précisément de ce qu’elles ont entre les jambes.

Cette rhétorique a l’effet commode de simplifier les choses pour nos esprits enclins à catégoriser. Elle a aussi l’effet pervers de nous rendre obsédés par les organes génitaux des personnes trans : En ont-ils? De quel format? Peuvent-ils jouir avec? Mouillent-ils? Ont-ils des érections? «Bien que pour plusieurs personnes trans, la modification de leur corps soit une question de vie ou de mort, ce discours donne la permission a tous et chacun, comme nous avons pu le voir à l’émission Tout le monde en parle dimanche soir, de poser des questions qui font allusions aux organes génitaux d’une fille de 14 ans. C’est pervers pas à peu près», s’indigne Gabrielle Bouchard, Coordonnatrice du soutien entre pairs et défense des droits Trans au centre de lutte contre l’oppression des genres.

Parler des organes génitaux d’une personne trans, c’est un peu le «qui fait l’homme qui fait la femme» des années 80. Une question que l’on pouvait poser sur le compte de la curiosité, mais qui reflète notre attachement à un ordre hétéronormatif du monde, où chaque chose est à sa place.

D’autant plus que ces questions qui visent à assouvir notre curiosité insatiable nous mènent à passer à côté d’enjeux autrement plus vitaux pour les personnes trans. Avons-nous entendu parler des taux de suicides disproportionnés chez les personnes trans, des personnes trans de couleur assassinées, des lois qui ne protègent pas encore les personnes trans contre la discrimination à Tout le monde en parle dimanche soir? «Encore aujourd’hui, la discrimination juridique des personnes trans est un fait au Québec. Khloé ne sera pas reconnue par le gouvernement québécois comme fille jusqu’à ses 18 ans et cette discrimination est totalement évacuée du discours public», explique Gabrielle Bouchard. Mais c’est sûrement plus l’fun de parler de transition et d’acceptation.

Le mouvement LGBT a toujours été représenté par l’arc-en-ciel, mais la transsexualité, ces temps-ci, nous est plutôt présentée ton sur ton. Il serait temps que l’on avance dans nos apprentissages.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.