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Dénoncez, dénoncez…

Le procès de Jian Ghomeshi, mené paraît-il de main de maître par sa redoutable avocate Marie Heinen, découragera-t-il les femmes de dénoncer leurs agresseurs? L’issue de cette seule affaire ne saurait nous procurer une réponse satisfaisante. Tous les jours, des histoires moins spectaculaires, mais pas moins décourageantes, s’immiscent dans l’inconscient collectif et referment la porte qui a été grande ouverte l’an dernier par le mouvement #AgressionNonDénoncée. Dans les derniers jours seulement, nous apprenions que:

– Le maire de Baie-Trinité, Denis Lejeune, a écopé de deux ans de probation après avoir été reconnu coupable d’agression sexuelle. Pendant sa peine, il pourra rester en poste. Son avocat a plaidé que l’homme constituait «un atout pour la communauté» en raison de sa position de maire.

– Appelé à commenter les enquêtes au sujet d’agressions sexuelles dans l’armée, Normand Lester a insinué sur les ondes du 98,5 FM que c’était, que voulez-vous, dans la nature humaine que des jeunes hommes pleins de testostérone agressent des femmes en situation de promiscuité (par exemple dans un sous-marin, où les femmes ont maintenant le droit de travailler puisqu’on est en 2016).

– Une femme, dont la plainte pour agression sexuelle contre l’avocat proche du parti Libéral Jean-Paul Boily a été rejetée par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, tente d’obtenir justice au civil. Les articles à ce sujet nous apprennent que l’avocat criminaliste pourrait poursuivre la plaignante pour atteinte à sa réputation.

– L’ex-maire de Montréal-Nord Gilles Deguire, qui a quitté ses fonctions parce qu’il est accusé d’agression sexuelle sur une mineure, aurait droit à une indemnité de départ pouvant aller jusqu’à 124 000 $. L’histoire ne dit pas de combien de moyens la victime dispose, elle, pour passer à travers cette épreuve.

– La commission scolaire Pointe-de-l’Île a été condamnée à verser une compensation à une fillette ayant subi de l’intimidation. La petite victime de 11 ans disait aussi avoir été agressée sexuellement dans les toilettes de l’école. Pour miner sa crédibilité, les avocats de la commission scolaire ont affirmé que lors d’une fête de l’école, la fillette avait dansé de manière suggestive. Onze ans.

– Un médecin a été radié par le Collège des médecins pour avoir abusé de trois patientes en détresse psychologique. L’article qui brosse le portrait de relations toxiques ayant clairement pour trame de fond un abus de pouvoir parle pourtant de «relations amoureuses». L’amour, c’est pas ça.

Est-ce que les victimes doivent douter de l’efficacité du système juridique pour obtenir réparation? Bien sûr, en colligeant toutes ces nouvelles, c’est précisément le message qu’on envoie. Que, quoi qu’il advienne, les victimes semblent fichues. Que dénoncer ne leur procurera pas réconfort, mais pourrait même se retourner contre elles. Ce n’est pas aux victimes que s’adresse cette recension, mais à toutes les personnes qui sont responsables de ce discours ambiant, qu’il s’agisse des avocats de la défense, des juges, des journalistes, des titreurs et des commentateurs professionnels comme amateurs.

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