Marie Malavoy, les écoles privées et le mur de Berlin

Photo: Collaboration spéciale

Dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, quelques millions d’Allemands de l’Est ont quitté leur pays à la recherche d’une vie meilleure. La façon la plus facile d’y arriver était de se rendre dans la partie Ouest de Berlin, contrôlée par les armées alliées, mais située au cœur de l’Allemagne communiste. De Berlin Ouest, on pouvait ensuite se rendre ailleurs en Allemagne ou en Europe.

Éventuellement, le gouvernement de la République « démocratique » allemande en a eu assez. Ça faisait désordre, ces déserteurs qui quittaient leur monde idéal pour aller joindre les rangs de la décadence occidentale.

Les dirigeants est-allemands auraient pu se remettre en cause et faire en sorte que leurs concitoyens soient un peu plus enthousiastes à l’idée de demeurer de leur côté de la frontière. Ils ont préféré construire un mur autour de Berlin Ouest pour empêcher les gens d’y entrer. C’est un peu la même solution que la ministre de l’Éducation, Marie Malavoy semble vouloir appliquer aux écoles privées.

Les Québécois fuient les écoles publiques pour le privé par dizaines de milliers? On va les empêcher d’y entrer. Hon, on n’en interdira pas l’accès, on va seulement couper les subventions. Plutôt que de débourser trois ou quatre mille dollars par an, les parents qui voudront envoyer leurs enfants au privé devront se saigner d’une dizaine de milliers de dollars.

Autant dire que la plupart ne le feront plus. Le mur est monétaire, mais c’est un mur quand même.

Le lecteur averti m’objectera que madame Malavoy a surtout visé les écoles qui sélectionnent leurs étudiants. C’est vrai. Mais l’occasion demeure excellente pour revenir sur les enjeux de ce débat qui se réinvite inlassablement, comme une mauvaise grippe ou un beau-frère fatigant, à savoir si l’État devrait ou non subventionner les places dans le secteur privé.

C’est vrai que le processus de sélection des élèves qui auront le droit de fréquenter une école privée contingentée est moins qu’idéal. Il reste que la grande majorité des écoles privées ne sélectionnent pas leurs élèves. Seule une petite minorité le fait. Des écoles publiques font d’ailleurs elles aussi passer des tests en vue de trier les élèves qui auront accès à leurs parcours d’études aux places limitées.

Question : si on élimine les examens de sélection, comment va-t-on déterminer qui pourra s’instruire dans une école ou un programme contingenté? Quoi, vous dites qu’un tirage au sort serait plus juste? Fort bien. Mais que fait-on ensuite de tous ces parents qui font tout ce qu’ils peuvent pour que leurs enfants n’aient pas à fréquenter l’école publique régulière ? On construit un mur? Un tunnel?

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Se pourrait-il qu’on prenne le problème à l’envers? Plutôt que de tenter de fermer le robinet du privé sélectionné (et des programmes contingentés au public, tant qu’à y être), pourquoi n’essaie-t-on pas plutôt de multiplier ces écoles qui ont une si bonne réputation et font tant l’envie des parents, au point où elles ne suffisent plus à la demande?

Je ne sais pas pour vous, mais moi, des écoles populaires, j’en prendrais plus, pas moins.

Les écoles privées ne sont pas la cause du problème, elles en sont l’effet. La dépense supplémentaire de quelques milliers de dollars par enfant qui est encourue représente, sur plusieurs années, un effort considérable pour les parents qui font ce choix, et qui ne sont pas tous « riches » . Les parents qui font ce choix – ce fut le cas des miens – veulent simplement donner à leurs enfants ce qu’ils croient être le meilleur enseignement.

Ça ne veut pas dire que toutes les écoles publiques sont pourries, ni que toutes les écoles privées sont excellentes. Mais, comme dirait l’autre, la preuve est généralement dans le pouding. Les dizaines de milliers de parents qui, chaque année, se privent de précieuses économies, ne le font pas pour des raisons idéologiques.

D’ailleurs, tiens donc, plusieurs ministres péquistes, dont Marie Malavoy, ont trouvé le privé assez attrayant pour y envoyer leurs propres enfants.

Plutôt que de toujours revenir sur cette obsession de couper les vivres au privé – qui, en passant, fait économiser à l’État des milliers de dollars par an pour chaque élève qui le fréquente –, on devrait plutôt concentrer toute nos énergies à aider le réseau public.

Il y a plusieurs façons, et ça n’implique pas obligatoirement d’engloutir des milliards. Ça va de l’évaluation (intelligente) des professeurs et des écoles à la mise en place d’écoles publiques autonomes, en passant par la valorisation du métier de professeur et l’octroi de bons d’éducation, entre autres.

Mais la construction d’un mur n’est pas une solution.

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