L’anglais va sauver le français

Il y a deux ans, les libéraux annonçaient que les élèves de sixième année seraient mis à l’anglais intensif. Il manque de professeurs, et les autres matières devront être comprimées en cinq mois? Un détail. Think big!

Les péquistes viennent de rendre le programme facultatif plutôt qu’obligatoire, mais pour les mauvaises raisons. Maintenant, l’enseignement «normal» de l’anglais en tant que langue seconde est dans le collimateur. On songe à le faire disparaître des premières années du primaire, un peu comme les inspecteurs de l’Office de la langue française ont forcé des employeurs à cacher les méchants mots on/off sous des autocollants.

Après le jovialisme et le déni libéral, on retombe dans un climat paranoïaque, où l’apprentissage de l’anglais ne peut se faire que sur le dos du français. La capitulation ou les ceintures fléchées. Joli programme.

«L’honnête homme du XXIe siècle doit parler, outre sa langue maternelle, au moins deux grandes langues de communication internationale.» Les propos sont d’Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie, en entrevue à Radio-Canada. Monsieur Diouf, qui est Sénégalais, était également fier de préciser que ses enfants et petits-enfants parlent tous français et anglais en plus de leur langue maternelle. Pourrait-on inviter Abdou Diouf à un congrès du Parti québécois?

Nous devons envisager le combat de la langue autrement. Pour porter notre culture, bien sûr, mais pour une raison bien plus fondamentale. La fuite des francophones de l’île de Montréal, combinée aux effets de l’immigration, risque de couper le Québec en deux. C’est une réalité qui n’est ni péquiste ni libérale, même s’il demeure tentant d’agiter l’épouvantail linguistique pour arracher quelques voix d’un côté ou de l’autre.

Sauf qu’à force de diviser pour régner, on va finir par diviser tout court. L’idée d’une métropole qui ne peut plus comprendre le reste du Québec est effrayante, mais c’est vers là, démographiquement, qu’on s’en va.

Une langue est à la fois une porte sur le monde et le ciment d’un peuple. Cela doit être rappelé de façon ni partisane ni politique, par des Québécois assez confiants dans la vigueur de leur langue pour avoir pu apprendre celle du conquérant (ça aiderait si madame Marois donnait l’exemple…). L’inverse vaut pour les Anglos, qui doivent continuer à apprendre le français : on est pris dans la même tribu, faut pouvoir se parler.

Au-delà de ça, le Québec doit cesser de se voir en village gaulois replié derrière ses palissades; il doit plutôt se considérer comme un foyer d’exportation du français. Selon le journaliste et auteur Jean-Benoît Nadeau, qui a cosigné – avec sa conjointe anglophone – deux livres sur l’histoire de la langue française, 30 millions de personnes se définissent comme francophones dans les Amériques. Sur la planète, elles sont plus de 200 millions.

Au lieu de mettre nos enfants à l’abri de l’anglais comme s’il s’agissait de fumée secondaire, faisons-les regarder Sesame Street avec enthousiasme, et outillons plein de petits francophones pour aller répandre notre langue et notre coin de pays partout dans le monde.

Ça fait drôle à dire, mais l’expansion et la survie du français, voire celle de notre culture, passent par l’apprentissage de l’anglais.

Cette chronique était la dernière de Patrick Déry dans Métro.

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