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L’ère du twit

Ma première semaine de congé, c’est à Barnstable, Massachusetts, que je l’ai passée. Le genre de petite ville américaine où toutes les maisons sont peintes en blanc, où les pelouses sont impeccablement tondues et où le drapeau à étoiles flotte allègrement au bout d’un mât qui porte toujours très haut. Nos voisins du pays d’en bas sont comme ça : fiers.

Les deux pieds dans le sable, je regardais les Américains s’amuser avec leurs enfants dans l’eau plutôt froide de Cape Cod et je me disais qu’ils devaient avoir bien besoin de se changer les idées. Quand tu es pris avec pareille tête de nœud à la Maison-Blanche, disons que ta fierté naturelle doit descendre d’une couple de crans. Oui, oui, on le sait, c’est bien de leur faute si la tête de nœud s’est rendue jusque-là. Et gageons qu’ils le savent encore bien plus que nous. Les électeurs ont voulu du changement, ils l’ont eu. Comme une tonne de briques en pleine gueule.

Non mais quelle année épouvantablement longue ce fut depuis le freak show de la convention républicaine de juillet 2016. Le tout suivi à l’automne par trois débats présidentiels qui nous auront fait racler le fin fond du creux de la bassine. Vous vous souvenez, la fois où le futur roi Bozo avait promis à son adversaire de la jeter au cachot dès le lendemain de son élection. Sombre crétin…

Et que dire du reste, de tout le reste : les décrets qui ne passent pas, le mur imaginaire à la frontière du Mexique, la réaction honteuse à la suite des événements de Charlottesville, l’équipe de collaborateurs qui s’émiette, et… Bah, je pense que je vais arrêter d’en ajouter, ça me déprime.

Je regardais les Américains plonger dans la mer et j’étais plein d’empathie pour eux. Même s’ils sont responsables de ce qui leur est tombé dessus. Je les observais tout en me demandant combien de temps encore allait durer cet épisode gênant dont ils auront tant de difficulté à se remettre. Je leur souhaite tellement que ce triste con puisse sacrer son camp au plus tôt. Même s’il est déjà trop tard, que le mal est fait. Il y aura un avant et un après lui. Et rien ne sera plus jamais tout à fait pareil.

Dans les livres d’histoire, on désignera cette période comme étant l’ère du twit.

Quand les Américains ont voté pour du changement, savaient-ils vraiment dans quoi ils s’embarquaient?

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Je suis né dans une province où mon père travaillait chez Associated Typesetters et chez Rainbow Thermographers. J’ai grandi dans une ville où ma mère peinait à être servie en français chez Eaton’s, Simpson’s et Morgan’s. J’ai vécu dans un monde où le président du CN, Donald Gordon, a déjà justifié l’absence de francophones parmi les 17 vice-présidents de cette entreprise en invoquant leur incompétence viscérale.

La loi 101 a maintenant 40 ans. On ne reviendra pas sur sa nécessité. Quarante ans plus tard, la situation du français est-elle meilleure? Bien sûr. Le problème du français est-il réglé pour autant? Non. La différence entre aujourd’hui et hier, c’est que la menace vient bien plus du dedans. C’est-à-dire de nous-mêmes, les francophones. Voyez ce que l’on fait de la transmission de notre histoire. Un gros rien. Avec la langue, c’est exactement la même chose qui risque de se passer. Si on ne fait pas attention, zou, on va la perdre sur le bord du chemin. Bête comme tout et simple comme bonjour.

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Puisque j’étais à l’extérieur du pays, je n’ai pas pu voir Le problème d’infiltration, le nouveau film de Robert Morin avec le toujours excellent Christian Bégin dans le rôle principal. Petit problème : ce film – que l’on dit très bon – n’est présenté que sur deux écrans à Montréal. D-e-u-x écrans (au Beaubien et au Quartier Latin), pas une maudite toile de plus.

Après ça, on viendra nous dire que le cinéma québécois ne fait pas beaucoup d’entrées. Y’a des fois, j’vous dis même pas…

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