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Et s’il fallait…

Photo: Reuters

L’histoire qui suit n’a malheureusement rien de très original. Dans un coin tranquille des États-Unis, un homme armé entre dans une école secondaire et tue plein de monde. Ce coup-ci, ils ont été 17 à recevoir un aller simple pour la morgue. Voilà une autre page des belles histoires du pays d’en bas.

N’allons pas croire que ces choses-là n’arrivent qu’aux autres : ici, on a aussi eu nos Marc Lépine, Kimveer Gill, Denis Lortie et Alexandre Bissonnette qui se sont rendus tristement célèbres de la même façon. Tous enragés par quelque chose. Tous de sombres crétins instantanément devenus des experts dans l’art de l’irréparable.

Dans une société qu’on dit civilisée, tous disposent de droits égaux. Qu’il soit sain d’esprit ou totalement crackpot, tout ce beau monde peut voter, s’exprimer librement et même se procurer des armes à feu. Ici, quand on dit qu’on est prêt à mourir pour le respect des libertés individuelles, on ne niaise surtout pas avec ça. Rien qu’à voir…
Quelques instants après le drame survenu en Floride, les caméras sont arrivées et le cœur nous a levé. Encore… Encore une fois, comme la dernière fois et comme l’autre fois d’avant. Vous vous souvenez, quand on s’était dit qu’il fallait que ça arrête? Que plus jamais on ne devait laisser une chose pareille se reproduire? Que des moyens devaient être mis en œuvre de toute urgence pour stopper net ce fléau? Oui, oui, c’est bien cette fois-là dont je parle.

Tout juste après le drame, puisqu’il le fallait, le président fou a pris la parole. Il a parlé d’un détraqué. On dit que ça prend un fou pour en reconnaître un autre. Il a seulement oublié de parler de ses armes et de son droit inaliénable d’en posséder. J’imagine que, dans sa tête, tout ceci n’est qu’un mince détail. Le président fou a aussi pris soin d’envoyer des prières et de bonnes pensées. Il est comme ça, le bon président des États : le cœur sur la main, toujours prêt à offrir ce qui ne lui coûte rien.

Le lendemain, accompagné de sa dame en blanc, il est allé faire une visite de circonstance à l’hôpital où reposaient les victimes toujours vivantes de la veille. Ça tombait bien, c’était sur son chemin, puisqu’il s’en allait jouer au golf avec ses chums. Toujours aussi cool, il s’est fait prendre le portrait avec les éclopés et le personnel de l’hôpital. Sur les photos, tout sourire, il a fait des thumbs-up. Ça doit être ça, sa vision du «make America great again»… Faites-vous tirer dessus, on est avec vous…

Heureusement, quelques heures plus tard, on a entendu l’extraordinaire discours d’Emma Gonzales, une admirable jeune femme qui fréquentait elle aussi l’école de l’horreur. La voix forte dans l’épreuve – je me demande comment elle a pu faire –, elle a crié un gros «ça suffit» en essuyant des larmes de rage qui se mêlaient au flot de sa peine. Devant elle, jeunes et moins jeunes, la foule a pris le relais et scandé le même message. Et l’écho des mots s’est propagé un peu partout. Contrairement à la dernière fois et à l’autre fois d’avant, j’sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que la vague continuera de rouler. Un gars a le droit de rêver. Merci de m’accorder cette permission, j’en ai bien besoin.

Imaginez, s’il fallait que cette fois-ci…

•••

Vu : la pièce Le Chemin des Passes-Dangereuses de Michel Marc Bouchard, présentée jusqu’au 24 mars chez Duceppe. Vingt ans après sa création, le choc est toujours au rendez-vous, si je me fie à la réaction du public au soir de la première.

Sauf que – et ça, c’est tout personnel – je crois avoir atteint mon quota de spectacles qui mettent en scène des hommes qui profitent d’un huis clos pour cracher ce qu’ils avaient de caché en dedans depuis trop longtemps à propos de ce père ô combien tordu…

Ç’a pris 50 ans pour faire sortir nos téléromans de nos cuisines, 40 ans pour que notre cinéma patauge ailleurs que dans le misérabilisme. Là, il serait peut-être temps que notre théâtre puisse s’attarder à autre chose qu’à nos rapports tordus avec nos parents. En tout cas, moi, j’en ai fait pas mal le tour.

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