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Le téléphone a sonné…

C’était un vendredi. Le 22 novembre 1963, en tout début d’après-midi. Pour dîner, on avait mangé des crêpes. En 63, quand on nous le demandait, on disait que l’on habitait la paroisse Saint-François-d’Assise. Et au menu, le vendredi midi, il y avait toujours des crêpes arrosées de mélasse. Ainsi allait la vie d’alors. Parce que c’était comme ça. Avec son lot de rituels imposés.

Parlant de rituel, c’était aussi à chaque vendredi après-midi que ma mère sortait sa balayeuse. Une Electrolux à quatre roues sur laquelle ma sœur et moi prenions place en nous imaginant à bord du train de Noël dans le sous-sol de Dupuis et frères.

À un moment donné, le téléphone a sonné. C’était matante Denise. Pas compliqué, c’était t-o-u-j-o-u-r-s matante Denise qui appelait. J’ose à peine imaginer le temps que ces deux-là auraient passé ensemble sur Facebook si l’ordinateur avait existé à l’époque. Enfin…

Donc, tout de suite après avoir pris la ligne, ma mère s’était mise à pleurer.

– «Pourquoi tu brailles, môman?»

– «Parce qu’y a un bon monsieur qui vient de se faire tirer…»

Je crois qu’on s’est mis à pleurer avec elle. À cet âge-là, c’est ce que tu fais quand, pour la première fois de surcroît, tu vois ta mère pleurer. Pas besoin de comprendre tout à fait ce qui vient d’arriver.

Cinquante ans plus tard, c’est encore pareil. On ne sait toujours pas trop ce qui s’est passé sur Dealey Plaza à Dallas. Oui, le président des États-Unis a reçu une balle – ou deux ou trois – en pleine tête et on a vu son épouse se lancer à quatre pattes sur le capot de la limousine pour ramasser des morceaux de cervelle. Pour le reste, le mystère demeure complet, même après tout ce temps.

Combien d’âneries et de théories à trente sous avons-nous pu entendre depuis? Que de complots plus ou moins bien échafaudés ont été exposés au grand jour? Et pourtant, le grand vide, malgré tout ce que l’on a pu garrocher dedans, est toujours aussi…désespérément vide. Allons-nous finir par savoir ce qui est vraiment arrivé ce jour-là? Bien sûr que non, voyons donc. Trop tard…

En attendant, on continuera à visionner en boucle le même bout de film tourné tout croche sur du 8mm. On se racontera encore des peurs. En se faisant aller les méninges afin de relier des ficelles qui n’ont jamais été attachées – s’il en reste – et à se demander le pourquoi du comment de cette histoire qui demeure aussi intrigante après un demi-siècle.

Cette semaine, c’est inévitable, des analystes et/ou nouveaux témoins jusqu’ici muets prendront la parole pour nous donner la vraie version des événements. Et encore, on se questionnera sur ces nouvelles contributions au débat. On est faits comme ça. À s’imposer sans cesse ce dur devoir de toujours saisir ce qui est insaisissable. Même si on devine bien qu’on n’apprendra rien de plus.

Cinquante ans plus tard, bien des choses ont changé hormis le mystère entourant l’assassinat de Kennedy. Au moment où j’écris ce texte, je suis sûr qu’au ciel, matante Denise et Môman poursuivent leur perpétuelle conversation. Je le sais, c’est t-o-u-j-o-u-r-s comme ça entre elles. Et nous, ici bas, on fait pareil. Exactement pareil.

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À ne pas manquer : Clôture de l’amour au Quat’Sous avec Maude Guérin et Christian Bégin. Un spectacle sans faiblesse. Un texte intense, un jeu prenant doublé d’un impressionnant exercice de mémorisation. Personne, absolument personne ne peut rester indifférent devant ce règlement de compte post-amour. Jusqu’au 6 décembre. Un incontournable. Il se fait décidément du bon théâtre à Montréal.

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C’est demain soir qu’aura lieu le 23e Show du Refuge à la salle Wilfrid-Pelletier de la PDA. Dan Bigras nous y attend en compagnie de Marie-Mai, Michel Rivard, Jean-Marc Couture, Florence K, Marie-Pierre Arthur et d’autres bons amis hautement fréquentables. Bonne cause assurée.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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