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Montréal, le paradoxe

Montréal est une ville avec laquelle j’entretiens un rapport paradoxal. Même si je dors ailleurs (mon lit se trouve à moins de dix minutes du Centre Bell, ce qui me confère encore un maximum de droits), c’est là que je suis né et c’est là que je vais mourir. J’aime cette ville pour plein de bonnes raisons. En même temps, je ne peux ignorer ce qui cloche. Un pied dans le rêve et l’autre dans la réalité, celle qui fait parfois mal à voir.

J’aime Montréal et ses institutions. Remonter la Saint-Laurent, arrêter en chemin chez Schwartz’s pour ramasser un smoked meat médium-coupable avec un Cherry Coke. Sinon, je pique une pointe jusque dans le Mile-End chez Wilensky sur Fairmount. Là où depuis 82 ans, on maîtrise la science exacte qui permet de mêler le baloney au salami sans que personne ne puisse jamais remettre en question la légitimité de la chose.

Je me demande si, dans longtemps, on pourra encore visiter des commerces du genre, qui seront à leur tour devenus des monuments populaires, des incontournables de nos vies. Êtes-vous passé récemment sur Saint-Denis, entre Sherbrooke et de Maisonneuve? Avez-vous compté combien d’espaces commerciaux sont à l’abandon? Dix, quinze, vingt? On commence à manquer de doigts et d’orteils pour les dénombrer. Dans une ville en bonne santé, ces choses n’arrivent pas.

J’aime le coin du Quartier des spectacles. J’aime surtout la place des Festivals. Un lieu superbe, une réussite totale. Là où, trois mois par année, on peut assister à un enchaînement exceptionnel d’activités gratuites de grande qualité. Pourtant, si on se déplace 200 pieds à l’ouest, au coin de Sainte-Catherine et de Bleury, il y a là un terrain vacant lamentablement inexploité depuis 2007. Là où, dans les grandes années du Spectrum, nous avons tout vu et tout entendu. Le vrai de vrai cœur de Montréal, ne le cherchez pas ailleurs, c’est là qu’il était. Depuis qu’on a rasé ce temple culturel pour un mégaprojet qui a fait patate, le centre-ville semble manquer de souffle. Vous savez, ce petit quelque chose qui fait la différence. On aura beau crier partout que Montréal est une capitale culturelle et imprimer des posters pour que ça se sache, on se demande parfois s’il ne s’agit pas là d’une vision de l’esprit un peu tordue. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi, dans notre capitale culturelle, il n’y a pas plus de salles de cinéma au centre-ville? Du Forum machin-truc au Quartier-Latin, il y a le Scotia et après, rien d’autre. Ça aussi, c’est anormal.

J’aime Montréal et ses rues même si elles sont pleines de nids de poule et de crevasses. J’ignore ce qui se passe cette année mais j’ai l’impression que l’opération «patchage» connaît des ratés. Si ça continue comme ça, on va inaugurer des piscines publiques au beau milieu du chemin…

J’aime Montréal, ses Mont-réalaises et ses Montréalais. Même quand ils traversent la rue sur la rouge. Parfois je m’inquiète pour leur santé quand ils font ça et j’imagine les pires scénarios. Dans ce temps-là, pour chasser l’horreur, je vais me promener dans le parc La Fontaine, sur le mont Royal ou sur le parvis de l’oratoire Saint-Joseph.

Malgré tout, j’aime Montréal.

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Vu : Les aiguilles et l’opium de Robert Lepage avec Marc Labrèche jusqu’au 21 juin au TNM. Brillant, tellement brillant. De rares billets sont toujours disponibles. Avec de la chance…

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Salutations distinguées à la journaliste Marie-Claude Lavallée qui a annoncé dimanche son départ de Radio-Canada pour laisser sa place à un ou une jeune. Malheureusement, on gage combien qu’on en profitera pour abolir son poste…

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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