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Le Pouvoir des mots

Sept ans. Sept longues années où David a dû tenir son bout devant Goliath.

À peu près 2 500 jours de lutte inégale entre une simple vendeuse de savons à l’huile d’olive (Olivia’s Oasis) et un géant du jus de fruits qui ne supportait pas de voir le mot oasis imprimé ailleurs que sur ses emballages. Comme si ce mot était le sien et strictement réservé à son bon usage. En plus de revendiquer la propriété d’un nom commun (!), le géant savait choisir ses adversaires par-dessus le marché. Il était bien prêt à mener une longue guerre d’usure contre une petite entrepreneure, mais gageons qu’il n’aurait jamais affronté le défunt groupe rock britannique du même nom devant les tribunaux pour la même raison. Ben non, voyons donc…

Vous voyez, même les plus gros ont aussi des sentiments. Et quand ils redoutent les répliques, ils se comportent parfoisen pleutres.

Il aura suffi d’un article bien envoyé qui relatait l’affaire dans La Presse
de samedi pour déclencher un appui spontané de la part des habitants de la planète Twitter/Facebook. En quelques heures, l’appel au boycott était autre chose qu’une simple menace lancée en l’air. Cet appel, il était concret, immédiat et terriblement dangereux pour la grosse compagnie qui avait, pour son plus grand malheur finalement, décidé d’agir en petit «king» de fond de ruelle.

En moins de deux, le géant du jus avait été terrassé. Le lendemain, la dame du savon recevait des excuses et une somme qui couvrait les dépenses occasionnées par ce trop long épisode de tir au poignet judiciaire. Une belle victoire de David sur Goliath au compte de 1 à 0. Et surtout, le grand triomphe du «là, ça va faire». Un gain inestimable. Comme quoi les réseaux sociaux sont capables d’offrir autre chose que du gazouillis insignifiant.

Ce que je retiens de cette histoire, c’est qu’il est toujours pensable de gagner quand sa cause est juste. La même chose serait arrivée il y a 10 ans, et cette victoire aurait été impossible parce que nous ne l’aurions jamais su. Là, avec des liens aussi forts que ceux de Twitter et des autres réseaux du genre, on est capable de se solidariser pour le mieux. Bien entendu, ce type d’élan peut aussi parfois basculer du mauvais bord, mais au moins, depuis samedi, on
sait que celui qui est supposément le plus faible peut aussi espérer gagner.

Samedi, il n’y a pas que Goliath-Lassonde qui a perdu. Le cynisme ambiant et la fatalité ont aussi encaissé une dure défaite. Samedi, le «anyway, y a rien à faire» a mangé une bonne claque en pleine face. Pour une fois, on ne s’empêchera sûrement pas de fêter ça. Allez, tout le monde, on lève son verre. Même son verre de jus si ça vous le dit.

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Dimanche soir, en apprenant le décès de Serge Grenier, j’ai vu un autre fragment de l’histoire du Québec moderne qui se détachait. Drôles et baveux à souhait, bêtes et méchants comme dix, Grenier et ses amis Cyniques furent parmi les premiers à se foutre de la gueule de nos curés et de nos politiciens. Aujourd’hui, ça peut sembler bien anodin, mais, à l’époque, ça voulait dire énormément pour un peuple qui avait beaucoup de difficulté à s’affirmer. J’ai envie de dire à Serge Grenier, acteur important de cette Révolution tranquille dont on parlait ici même pas plus tard que la semaine passée, que sans son apport et celui de ses collègues humoristes, les choses ne seraient jamais allées aussi vite. On le remercie.

Les opinions exprimées danscette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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