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Voyage dans le passé culinaire de Montréal

Photo: Josie Desmarais

Certains restaurants font partie du paysage montréalais depuis toujours, nous semble-t-il. On s’y attable devant un décor et des plats qui n’ont souvent pas beaucoup – ou pas du tout – changé au fil du temps. Petit voyage dans l’histoire culinaire de Montréal à travers trois institutions ouvertes depuis les années 1930.

Déjeuner à la Binerie Mont-Royal

Le long comptoir de bois occupe presque tout l’espace de l’étroit restaurant de style diner de l’avenue du 
Mont-Royal. Ça sent les œufs, la tourtière et les fèves au lard qui ont mijoté dans l’immense four en fonte du sous-sol datant de 1938, date d’ouverture de la Binerie.

«Les gens nous disent que rien n’a changé au fil du temps, mais on a changé pas mal de choses!» rigole Philippe Brunet, qui a racheté la Binerie en 2005 avec sa femme Jocelyne après plusieurs années à travailler dans l’hôtellerie à l’international. «Quand on l’a rénové, on a voulu revenir à ce que la Binerie était quand la famille Lussier l’a créée», ajoute-t-il.

En feuilletant le livre de recettes d’origine, les sixièmes propriétaires des lieux décident aussi de reprendre des recettes qui avaient été modifiées ou abandonnées au fil du temps et d’ajouter 27 éléments à la carte. Le même grand menu qu’en 1938, mais plus élaboré, est alors accroché au mur. Tourtière, pâté au saumon, pâté au poulet, bines, pâté chinois, ragoût de boulettes… «Ici, c’est Noël à l’année!» rigole Jocelyne.

«On est fier d’offrir de la vraie bouffe québécoise traditionnelle», ajoute Philippe. Et ça plaît visiblement : plus de 150 personnes par jour défilent aux 23 places du restaurant les fins de semaine.

La recette de la longévité du commerce? L’authenticité, la qualité et la simplicité, répond le couple. «Il n’y a pas de flafla, pas de synthétique, que de bons ingrédients et de bons plats : les gens reviennent, tout simplement.»

367, avenue du Mont-Royal Est

Dîner chez Wilenksy

«Ça n’a pas beaucoup changé ici depuis que je suis toute petite», dit Sharon Wilensky en nous accueillant dans le casse-croûte créé par son père en 1932 dans le Mile End. Les tabourets, le comptoir, les hauts plafonds en tôle, les vieux grils, la bibliothèque remplie de livres et les murs en lattes de bois peintes en vert ont survécu au temps qui passe. «Même quelques clients!» sourit Sharon.

«Mon père Moe a créé Wilensky en 1932 parce qu’il ne trouvait pas de travail durant la Grande Dépression», raconte Sharon, qui en a pris les rênes il y a 15 ans. Moe Wilensky et son frère vendent alors des livres et des cigares dans le commerce de leur père barbier.

C’est en voyant l’intérêt des clients pour les sandwichs qu’il se préparait pour ses dîners que le père de Sharon commence à en vendre. «Mon grand-père est russe, et c’était commun dans la famille de manger de la bologne grillée, du salami, explique la propriétaire. Mon père a expérimenté différentes combinaisons de viandes avec un pain spécial et de la moutarde.» Quatre-vingt-cinq ans plus tard, Wilensky vend toujours les sandwichs inventés par Moe, et beaucoup de cherry cola maison, toujours servi à partir de la même fontaine.

«Les gens aiment que nous n’ayons rien changé au fil du temps, surtout la bouffe», souligne Sharon. Très importante dans la communauté juive du quartier, la sandwicherie où Mordecai Richler a écrit L’apprentissage de Duddy Kravitz figure maintenant dans plusieurs guides et a fait l’objet d’un documentaire.

«Pour moi, c’est le commerce de mon père, mais on me dit souvent que ça fait partie de l’histoire de Montréal et de sa communauté juive, ainsi que des bons souvenirs de plusieurs Montréalais», dit Sharon, touchée, peinant encore à le croire après toutes ces années «à faire des sandwichs»!

34, avenue Fairmount Ouest

Souper chez Moishes

«Mon père a gagné le restaurant au poker», s’amuse à raconter Leonard Lighter en promenant ses yeux dans la salle de 200 places aux murs de brique et aux longs rideaux de velours rouge. Arrivé de Roumanie seul à 13 ans, Moishes Lighter y travaillait depuis quelques années quand il a gagné ce qui s’appelait alors le Saffrins aux mains de son patron, un insatiable joueur.

Le restaurant devient donc un steakhouse inspiré des racines roumaines du fondateur. Des mets comme des verenikas, les oignons frits, les karnatzkach ou les légumes marinés côtoient les mets classiques d’un steakhouse dans le menu.

«Aujourd’hui, Moishes est sans aucun doute le plus vieux restaurant de sa catégorie», affirme Leonard, qui a pris la tête de cette grande table depuis le décès de son père il y a 35 ans. Et comment ont-ils pu survivre tout ce temps? «En travaillant énormément! répond-il en souriant. Ce n’était pas un rêve ou un but pour mon père, il a juste travaillé un jour après l’autre. Ça s’est fait comme ça, et en offrant toujours la plus grande qualité.»

Selon Leonard Lighter, le secret de leur succès repose sur la qualité de leurs viandes, de leurs mets et de leurs vins, mais aussi beaucoup sur un judicieux mélange de traditions et d’adaptation aux nouvelles tendances, en utilisant beaucoup les réseaux sociaux, par exemple.

Après tout ce temps, M. Lighter prend toujours autant de plaisir à accueillir ses clients chaque soir. «Les gens disent que c’est une institution, dit-il. Tellement de gens sont venus ici au fil du temps, c’est chargé d’histoires. Celles de Montréal et des gens qui y vivent et y passent.»

3961, boulevard Saint-Laurent

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