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La ferme et son État de Marc Séguin: le champ des possibles

Photo: Éliane Excoffier

Ces derniers mois, le peintre Marc Séguin a troqué ses pinceaux contre la caméra pour réaliser le film La ferme et son État, qui fait la lumière sur un monde agricole sclérosé peinant à faire de la place aux artisans novateurs qui tentent de créer un modèle à hauteur d’homme.

À l’écran, au cours des deux heures que dure le film, on entend et on voit les «forces vives» du monde agricole québécois, comme les appelle le cinéaste. Le maraîcher Jean-Martin Fortier et l’homme d’affaires André Desmarais ont créé, avec la Ferme des Quatre-Temps, une ferme bio-intensive modèle qui sert de laboratoire pour toute une génération de producteurs biologiques. Fernande Ouellet, éleveuse de canards et d’oies à Granby, souhaite, elle, un modèle adapté à sa réalité. Dominic Lamontagne milite quant à lui pour pouvoir construire sa ferme autosuffisante de 2 vaches, 200 poules et 500 poulets, ce qui est aujourd’hui impossible avec notre système où règnent les quotas.

Tous tentent de vivre d’une agriculture différente, responsable et à petite échelle. «C’est un autre retour à la terre, mais pas de hippies rêveurs, de gens éduqués qui font des projets qui se tiennent et qui nourrissent les communautés», résume dans le film Maude-Hélène Desroches, des Jardins de la Grelinette.

Marc Séguin – agriculteur pour lui-même, militant pour les autres – leur a donné la parole pour essayer de voir comment l’État pourrait leur faire une plus grande place.

Est-ce que côtoyer ces gens dynamiques et novateurs, mais qui évoluent dans un système mal adapté à eux, vous a encouragé ou découragé quant à l’avenir de l’agriculture au Québec?
En fait, le film dresse un portrait [de ce qui se passe] en ce moment. Je pense qu’il y a urgence d’agir. Il y a un avenir possible, mais pour qu’il soit réellement possible, il y aura des décisions à prendre, des orientations à donner. J’ai fait le pari de montrer des belles personnes, qui font des beaux projets et qui ont des belles idées, en me disant que ça pourrait inspirer des gens ou à tout le moins informer la population. Peut-être qu’après ça on va se trouver encore plus stupide de ne pas prendre ce virage-là, sachant que ça existe.

«[Les consommateurs] veulent des prix compétitifs, des produits bio, des marchés de proximité. Orientons les subventions et les moyens vers ça.» –Marc Séguin, réalisateur de La ferme et son État

Un des constats qui ressort de votre film, c’est qu’il ne semble pas y avoir de place pour la petite agriculture au Québec, pour les artisans. Est-ce le cas?
Non, il n’y a pas de place. Ils ont une place parce qu’ils l’ont prise. Les gens qui ont de nouvelles idées trouvent la brèche dans le système, et ils s’implantent là. Ils imposent leur modèle et leurs idées en faisant des belles choses. Mais ils sont limités. Tant qu’ils font leur petit truc, c’est correct, on les laisse là, ça fait du bien, ça fait des émissions de télé ou des articles, ça calme les gens qui demandent plus de responsabilités et d’écologie. Mais la solution est beaucoup plus complexe que ça.

Une intervenante dit qu’on a besoin d’un nouveau contrat social entre les agriculteurs et le politique. Est-ce que le gouvernement est le seul responsable de cet immobilisme dans le monde agricole?
C’est une grande question que tout le monde se pose encore. Est-ce que c’est parce qu’on est trop syndiqué? Parce que l’agriculture est contrôlée par des syndicats qui font d’immenses profits et qui ne veulent pas que les choses changent? Je crois que l’agriculture, comme n’importe quel domaine, évolue et change.

Les discussions ont déjà été faites [au cours de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois en 2008, notamment], et de gouvernement en gouvernement, on reporte ça. On a assez débattu, c’est le temps de prendre des décisions et de se doter enfin d’une politique agricole.

La transformation doit aussi venir des consommateurs…
Oui. Si un boucher se fait demander un poulet de pâturage par mois, ça ne sert à rien qu’il trouve un producteur et lui commande du poulet pour un client. Mais s’il y en a 20 par semaine, il va changer et offrir le produit. Moi, je ne pense pas que la solution viendra de la transformation des grandes surfaces, par contre. Je pense qu’on gagnerait à avoir plus de marchés publics, plus de marchés de proximité, et qu’on devrait laisser les producteurs abattre et vendre à la ferme. On doit raccourcir le lien entre le consommateur et le producteur.

Et à la base de tout ça, il y a véritablement un besoin de réorienter les subventions. Le poulet que tu paies 6$, c’est parce qu’il est subventionné qu’il coûte ce prix-là. Un poulet, ça coûte plus cher que ça. Si on augmentait les subventions aux producteurs qui font du poulet de pâturage, il coûterait peut-être 15 ou 16$ au lieu d’en coûter 25. Il serait plus compétitif.

La ferme et son État, en salle dès demain.

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