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Vin: les producteurs de liège en guerre contre le goût de bouchon

Photo: © PHILIPPE MERLE / AFP

«Avant on était en lutte, aujourd’hui, notre but, c’est l’éradication»: cette phrase guerrière vise une simple molécule qui ne présente aucun danger pour l’homme, mais menace son palais: le TCA ou 2.4.6 Trichloroanisole, identifié comme seul responsable du goût de bouchon qui assassine un grand cru.

Au terme de 20 ans de lutte, les professionnels du liège affirment que le taux de bouteilles affectées par ce goût de vieux carton mouillé est passé en-dessous de 1%.

«On s’est rendu compte que c’était dû à une molécule exogène, une contamination extérieure, et que ce goût de moisi était lié à l’humidité et au confinement», explique à l’AFP Jean-Marie Aracil, chargé de mission à la Fédération française du liège qui indique que les industriels ont fait «beaucoup de travaux sur la prévention et également sur le curatif».

Chaque entreprise a ses trucs, mais toutes ont surtout adopté des recettes de bon sens: «avant, c’était un peu l’artisanat», explique Juan Dias, directeur général de Bourrassé, un bouchonneur landais passé récemment sous pavillon portugais.

«Les usines de bouchons étaient de vraies usines à TCA», explique-t-il, notamment par le fait que les bouchonneurs laissaient les planches de liège reposer trois semaines entre deux passages dans l’eau bouillante, favorisant l’apparition de moisissures, contre «un jour, pas plus», désormais.

Les parties basses des arbres, en contact avec l’humidité des sols et donc susceptibles d’être contaminés, sont désormais écartées et utilisées pour d’autres applications.

Mais les entreprises ont également massivement investi dans la détection.

«Vins très haut de gamme»
Certaines vont jusqu’à analyser les bouchons un par un, si leurs clients les plus prestigieux sont prêts à payer le prix.

Ainsi la branche portugaise du groupe français Lafitte a récemment acquis deux machines capables de contrôler 12 000 bouchons par jour, ou plus exactement l’air autour du bouchon qui passe dans un petit compartiment étanche.

Au-delà d’un nanogramme de TCA, le bouchon est écarté.

«C’est pour des vins très haut de gamme», explique à l’AFP son directeur général Jose Pinto.

Le surcoût n’est en effet pas négligeable puisqu’il faut compter 15 centimes d’euro supplémentaires pour un bouchon dont le prix de base varie de 0,40 à 1,50 euro.

Malgré cela, le carnet de commandes est plein jusqu’à l’été 2018 et M. Pinto aimerait bien pouvoir faire tourner des machines supplémentaires.

D’autres firmes ont mis en place des détections individuelles. C’est le cas d’Amorim, numéro un du secteur, dont Miguel Cabral, responsable recherche et développement, exhibe fièrement dans une usine près de Porto plusieurs dizaines de machines.

Dotées de bras articulés, elles manipulent les bouchons un par un dans un concert de souffle pneumatique et les répartissent selon les résultats de leurs analyses.

Amorim espère pouvoir contrôler ainsi à l’horizon 2019 un bouchon sur 9 produit en liège naturel, soit 100 millions par an. Pour y parvenir, la lutte continue sans répit: les machines tournent déjà 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

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