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La Suisse légifère pour protéger les homards

Photo: iStock

MONTRÉAL — Une nouvelle loi suisse interdisant de plonger des homards vivants dans l’eau bouillante pour les faire cuire fait davantage sourire que bondir de ce côté de l’Atlantique.

La loi adoptée cette semaine par le Conseil fédéral suisse stipule que les crustacés «doivent être étourdis au moment de leur mise à mort». Les seules méthodes acceptées seront les décharges électriques et la «destruction mécanique du cerveau».

L’interdiction entrera en vigueur le 1er mars prochain.

Le débat visant à savoir si les crustacés ressentent ou non de la douleur n’est pas réglé. Des chercheurs nord-irlandais ont en effet publié une étude, en 2013, indiquant que ces animaux cherchaient à éviter des situations déplaisantes, ce qui permet de croire qu’ils ressentent, effectivement, de la douleur.

D’autres experts ne sont pas convaincus et soulignent que le système nerveux des invertébrés est très différent de celui d’un autre animal.

Le directeur scientifique du Regroupement des pêcheurs professionnels de homard du sud de la Gaspésie et biologiste de formation, Jean Côté, note que le homard meurt très rapidement lorsqu’on le plonge dans l’eau bouillante.

«C’est un peu futile comme débat, parce que de toute façon, on ne mange jamais des animaux vivants, que ce soit des homards ou un autre. Il faut tous les tuer d’une façon ou d’une autre», rappelle-t-il.

«Quand on parle de ce débat-là, sur la cruauté animale, ça touche des cordes sensibles, ce n’est pas toujours rationnel. Si vous ne voulez pas manger de viande, pour vous, et que tuer un animal, c’est quelque chose qui ne devrait pas être fait, vous ne trouverez jamais une belle façon de tuer, que ce soit en l’assommant, en l’électrocutant ou en le faisant bouillir.»

Le propriétaire des restaurants montréalais Joe Beef, Le vin papillon et Liverpool House, David McMillan, admet avoir trouvé «drôle» cette nouvelle loi suisse et se demande s’il y a eu des pressions populaires de gens «outrés» après avoir vu des vidéos de homards vivants plongés dans l’eau bouillante sur les réseaux sociaux.

«Si je faisais une vidéo (sur) YouTube en disant: « Ok, ça c’est mon agneau » et que je procède à lui couper la gorge, le dépiauter et l’éviscérer (avant de) faire de belles recettes avec sa chair, je n’ai aucun doute que les gens seraient outrés de voir ça. Un des seuls animaux que les gens arrivent à voir se faire tuer, en ligne et sur les médias sociaux, c’est le homard», souligne-t-il.

Pour le chef, il est cependant capital de demeurer respectueux envers tous les produits cuisinés, qu’il s’agisse d’un légume, d’une volaille ou d’un crustacé.

«Il ne faut pas prendre cela à la légère. Le homard de quatre livres est un animal qui est sur la planète, parfois depuis aussi longtemps que le cuisinier qui le prépare», relève-t-il.

De son côté, il privilégie une méthode consistant à faire une petite incision avec un couteau de chef dans le dessus de la tête du crustacé, entre les deux yeux, puis de donner un coup rapide, tuant ainsi l’animal instantanément. Cette approche est également utilisée par ses collègues dans ses restaurants. Selon M. McMillan, les cuisiniers en herbe pourraient facilement apprendre à utiliser la même méthode à la maison.

Jean Côté estime cependant que c’est peut-être trop en demander aux cuisiniers amateurs.

«On lui en demande un peu beaucoup, parce qu’il faut avoir un couteau, savoir où aller (couper)… Nous, ça fait déjà plusieurs années qu’on essaie de faire l’éducation des gens sur la qualité du homard, leur provenance, la traçabilité, c’est ce qu’on offre ici en Gaspésie. Quand va venir le temps, en plus, de dire que pour le faire souffrir moins, il faut essayer de sectionner une petite partie autour du cerveau en insérant une pointe de couteau… Il faut quand même rester réaliste et je pense qu’on pousse un peu loin.»

Au bout du compte, M. Côté ne croit pas que la loi suisse aura des répercussions chez les pêcheurs de son coin de pays.

«Au Québec, en tout cas en Gaspésie, le gros de notre marché, c’est les États-Unis et ensuite je crois que c’est l’Asie. L’Europe n’est pas le marché principal; c’en est un, mais c’est mineur.»

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