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Vin: le pari gagné des bouchons sans goût Diam

Photo: AFP PHOTO / RAYMOND ROIG

Des bouchons sans goût de bouchon: sur cette promesse alléchante et high-tech, les bouchons français Diam ont réussi à se faire une place sur un marché mondial dominé par le Portugal, faisant les beaux jours du groupe Oeneo, qui les exporte dans le monde entier.

Dix ans après leur création, il s’en est vendu plus d’un milliard l’an dernier, aux trois quarts hors de France. Pour satisfaire la demande, une nouvelle usine ouvre donc ses portes ce mois-ci à Céret (Pyrénées-Orientales), créant 25 emplois sur le site déjà existant.

Un investissement de 30 millions d’euros (dont 10% d’aides publiques) qui va permettre d’augmenter de 70% la production pour passer à deux milliards par an.

Un quart des grands crus de Bourgogne sont désormais bouchés avec Diam, ainsi que 20% du champagne, selon Oeneo.

Derrière ce succès, une technologie brevetée qui permet d’extraire du liège le trichloroanisol, dit TCA, une molécule chimique redoutée par les vignerons car responsable du goût bouchonné.

Après avoir été réduit en poudre, le liège est purifié à l’aide de CO2 « supercritique », c’est-à-dire chauffé et compressé pour atteindre un état intermédiaire entre le liquide et le gaz, qui lui permet de passer à travers les molécules de liège et de le nettoyer du TCA. Cent-cinquante autres molécules pouvant modifier le goût du vin sont aussi extraites lors du passage dans l’autoclave.

Le procédé a été mis au point en collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), en adaptant une technique d’extraction déjà utilisée dans l’industrie agroalimentaire, par exemple pour récupérer la caféine.

La farine de liège purifiée est ensuite travaillée comme un gâteau: mélangée à un liant alimentaire et à des microsphères, moulée et cuite au four, pour ressortir sous forme de bouchon de vin, de champagne ou de spiritueux.

La finition se fait souvent dans d’autres sites du groupe, au plus près des clients sur le continent américain, en Afrique du Sud et jusqu’en Chine.

« Convaincre le monde du vin »
Jusqu’ici, tous les bouchons Diam étaient fabriqués dans une usine en Espagne. La péninsule ibérique compte les plus belles forêts de chêne-liège au monde, d’où la domination écrasante du Portugal sur le marché des bouchons en liège naturel, via le groupe Amorim.

Traditionnellement, les bouchons sont façonnés directement à partir de l’écorce de l’arbre, sans procédé industriel, ce qui rend plus aléatoire l’élimination du TCA.

Mais « il n’est pas toujours facile de convaincre ceux qui utilisent des bouchons naturels de passer à Diam. Le monde du vin évolue lentement », reconnaît François Morinière, directeur général d’Oeneo.

Une fois qu’ils l’ont testé, les clients ne veulent plus que le Diam, assure toutefois le directeur commercial Bruno de Saizieu: « ils sont d’abord contents de l’effet sur le vin blanc, puis ils passent au rouge ».

Le bouchon permet aussi d’assurer une qualité homogène de l’ensemble des bouteilles d’un même cru.

« Diam veut être le dernier acte oenologique du client: car on travaille la vigne d’une manière de plus en plus précise, mais quand on met le bouchon on ne sait pas le résultat qu’il donnera », souligne M. de Saizieu, qui promet jusqu’à 30 ans sans apport d’oxygène à ses clients.

Diam représente désormais 10% du marché mondial du bouchon en liège, en deuxième position derrière Amorim.

Au sein du très rentable groupe Oeneo, le bouchage fournit 60% des ventes, le reste venant de la tonnellerie. Les ventes de bouchons ont progressé de 10% en 2014-2015.

Le groupe, dont l’actionnaire majoritaire est la famille Hériard Dubreuil, qui contrôle également le groupe de spiritueux Rémy Cointreau, dit ne pas craindre l’expiration du brevet sur ses bouchons en 2021 car il continue de travailler sur l’innovation.

D’autant que « pour un concurrent, construire une telle usine représente un investissement lourd. Et il leur sera difficile de changer leur discours du jour au lendemain, alors qu’ils dénigrent Diam », reprochant aux bouchons leur « manque de naturel », estime François Morinière.

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