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L’aide aux devoirs à l’ère des compressions

Little boy child reading a book in the library. He lies on the floor. Legs on bookshelf Photo: Getty Images/iStockphoto

Lorsque le programme d’aide aux devoirs a été instauré en 2004, certains acteurs de terrain – enseignants, directeurs… – ont déploré l’application d’une mesure d’envergure qui ne permet pas aux écoles de fonctionner selon leurs besoins respectifs.

Dix ans plus tard, une autre levée de boucliers accueillait les compressions du gouvernement québécois dans l’enveloppe réservée à l’Appui à la réussite scolaire. Forcées de revoir les services offerts aux élèves, nombre d’écoles ont sabré l’aide aux devoirs. Résultat? Des enseignants amenés à revoir leur pratique et des effets très variables d’une école à l’autre. À l’école Guy-Drummond (Outremont), on n’offre plus d’aide aux devoirs depuis 2014.

Les budgets ont été attribués à des services davantage appropriés aux besoins des élèves. «Nous sommes dans un milieu plutôt favorisé, explique Laurence Pilon, enseignante de 5e année, et je ne peux pas dire que j’ai observé un effet sur la réussite scolaire à la suite des compressions. La plupart des enfants sont bien soutenus à la maison, et pour les parents qui peinent à les aider, l’embauche d’un tuteur est généralement envisageable.»

«Ce sont surtout les familles défavorisées qui se voient pénalisées par les compressions dans les programmes d’aide aux devoirs au primaire, observe Mélanie Paré, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Pour les autres, ces mesures n’avaient de toute façon pas d’effet sur la réussite scolaire. Les répercussions de l’aide aux devoirs se mesurent surtout sur des élèves en difficulté ou qui n’ont pas de soutien à la maison.»

Sur la pertinence des devoirs

Au-delà du débat entourant les compressions imposées au milieu de l’éducation, c’est la pertinence même de l’aide aux devoirs (et des devoirs) qui se voit remise en question. Est-il normal que les élèves aient besoin d’aide pour faire un devoir? Mélanie Paré, spécialisée en formation des enseignants du primaire, estime que «si on a passé de la matière et que les élèves ne l’ont pas comprise, ça ne sert à rien de donner un devoir dans ce cas. Même quand un tuteur ou un service d’aide aux devoirs est là. Parce que l’enseignant va expliquer les choses d’une certaine façon, le tuteur d’une autre, et qu’il peut y avoir confusion s’il n’y a pas une coordination de l’enseignement.»

C’est plutôt en classe que les élèves «qui ne reçoivent pas d’aide à la maison devraient recevoir le soutien nécessaire. Et c’est aux enseignants de s’en assurer.» Et les parents, dans tout ça? Pour Jean Archambault, professeur au Département d’administration et fondements de l’éducation de la même faculté, «c’est vraiment à l’école que revient la responsabilité des devoirs. Parce que même dans un milieu favorisé, le soutien des parents ne va pas de soi.» Il en veut pour preuve s’être déjà trouvé incapable d’aider sa fille de 14 ans à faire ses devoirs parce qu’il n’y comprenait rien. «Ce n’est pas ce qu’on doit demander aux parents. Leur rôle est de valoriser leur enfant, de lui donner envie d’apprendre. Pas d’enseigner.»

Des trucs pour s’adapter en classe et à la maison

Forger le plaisir de la lecture: «À l’école, on apprend à lire, mais on lit aussi pour apprendre! Il faut montrer aux enfants l’importance de savoir lire pour chercher des informations et des réponses à leurs questions.» Mélanie Paré insiste sur le plaisir. «On suggère aux enseignants de donner des lectures plutôt que des devoirs. Et aux parents de lire avec leurs enfants. Il faut partir de l’intérêt de l’enfant. Aller à la bibliothèque, choisir des livres sur des sujets qu’il aime et s’assurer qu’il les ouvre fréquemment. Ça aide à découvrir que la lecture donne accès à tout un monde.» L’écran (tablette, ordinateur) peut aussi être un soutien, mais la professeure le recommande avec prudence. «On sait que la rétention de l’information lue sur écran est moindre que celle qui résulte d’une lecture sur support traditionnel. Cela dit, il existe des applications qui sont de bons incitatifs pour les élèves.» Slice Fractions, par exemple, mise au point par l’Université du Québec à Montréal, propose une façon ludique et efficace de comprendre la notion de fraction.

Faire les devoirs en classe: L’enseignante Laurence Pilon privilégie l’étude à la maison et les devoirs en classe. Distribuer une feuille de devoirs identique à tous les élèves lui paraît peu pertinent. «Pour ceux qui ont bien compris en classe, ça n’aidera pas à aller plus loin dans l’apprentissage. Tout comme demander à un élève d’appliquer quelque chose qu’il n’a pas compris ne sert à rien.» Faire les devoirs pendant la journée permet de les individualiser. Le soir, c’est plutôt avec des lectures que les élèves repartent. «S’il n’y a pas de soutien pédagogique à la maison, alors c’est dans la classe qu’il faut l’instaurer», renchérit Mélanie Paré.

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