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Le mirage de la croissance de l’emploi

Mature man working in home office Photo: Getty Images

La croissance récente des emplois cache quelque chose de particuliers: en fait, les emplois salariés disparaissent au profit de l’économie de la pige.

Selon Statistique Canada, il s’est créé environ 19 000 em­plois au Canada en mars 2017, la plupart d’entre eux à temps plein. C’est donc un autre bon mois, qui s’ajoute à une longue série d’augmentations mensuelles du nombre d’emplois. Le taux de chômage a d’ailleurs considérablement diminué au cours de l’année dernière. Il est aujourd’hui de 6,7 % et est influencé seulement par l’augmentation du nombre de chercheurs d’emploi, pas par la perte de postes.

Les nouvelles semblent aussi bonnes au Québec, alors que 96 000 emplois ont été ajoutés à notre économie de mars 2016 à mars 2017. Les choses ne sont pas aussi réjouissantes qu’elles en ont l’air. En effet, 94 % des nouveaux employés à temps plein sont en fait des travailleurs autonomes, un pourcentage énorme. Or, le nombre de travailleurs autonomes augmenter lorsque le marché de l’emploi est difficile. Pour bien des gens, il vaut mieux être travailleur autonome que chômeur, même si l’emploi occupé n’offre aucun bénéfice.

Lorsque le nombre d’emplois augmente et que le marché devient plus favorable, comme cela semble être le cas, ces mêmes travailleurs préfèrent occuper un emploi salarié, qui offre des avantages sociaux ainsi qu’un horaire de travail plus stable. Pourtant, on observe l’inverse: le nombre d’emplois augmente, mais la plupart sont occupés par des pigistes. Est-il donc possible que la belle croissance du marché du travail que nous observons présentement ne soit qu’un mirage, qui cacherait une insuffisance d’emplois salariés de qualité?

La réponse est probablement oui. En effet, un grand nombre d’emplois se crée au sein de ce qu’on appelle l’économie du partage, que je préfère l’économie de la pige. Si Statistique Canada, durant un sondage, demande à un nouveau conducteur chez Uber s’il travaille à temps plein, il répondra oui s’il consacre le plus gros de son temps de travail à cette activité, ce qui est souvent le cas. Il fait donc partie des nouveaux emplois à temps plein, mais comme il travaille à la pige, il est payé seulement lorsqu’il fournit un service, qu’il gère son propre travail et utilise sa propre voiture. Il est aussi classé parmi les travailleurs autonomes.

Selon les résultats d’un récent sondage du Centre canadien de politique alternative (tels que rapportés par Radio-Canada), la qualité des emplois de l’économie de la pige est bien faible. En effet, 41 % des travailleurs ne parviennent pas à joindre les deux bouts et se plaignent de revenus insuffisants; 37 % ne parviennent pas à travailler autant qu’ils le pourraient ou le voudraient; et 34 % se plaignent d’avoir des horaires imprévisibles. L’application Uber, qui devait leur donner tant d’indépendance, les a en fait transformés en esclaves de leur téléphone, guettant la moindre occasion de faire un peu d’argent.

Plusieurs entreprises cherchent aujourd’hui à adopter le mode de fonctionnement d’Uber, ce qui veut dire encore plus d’emplois à temps plein de mauvaise qualité.

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