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Bâtisseur de son propre rêve

Photo: Chantal Lévesque/Métro

Une fois par mois, Métro propose, en collaboration avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ), des portraits inspirants de Montréalais issus de l’immigration qui témoignent de leurs parcours et de leurs succès.

Oscar Ramirez ne tergiverse pas. Parlez-lui de détermination et il vous gratifiera d’un sourire en coin qui en dit long. Il en a jalonné son parcours, sublimant la moindre embûche en opportunité.

«Beaucoup d’immigrants gardent trop longtemps leurs valises dans le placard, croit Oscar Ramirez. À Rome, fais comme les Romains. Il faut plonger pleinement dans la société qui nous accueille.» Surtout, ne pas garder «un pied au Sud, un pied au Nord». Vain et douloureux grand écart.

Quand son père lui propose d’apprendre l’anglais à l’étranger après son secondaire, M. Ramirez est instinctivement porté vers le Canada. «Les États-Unis m’attiraient peu, et à l’époque aller en Europe était moins facile qu’aujourd’hui. Le Canada, c’est ce que je pouvais trouver de plus exotique dans la palette de destinations accessibles.» L’aventurier en lui opte pour un an d’études à l’université Concordia, curieux de voir le Montréal dont il a entendu parler lors des Jeux olympiques de 1976, deux ans auparavant.

La suite est classique. «J’ai rencontré une fille ici.» Oscar retourne quand même au Guatemala à la fin de l’année. Il y amorce des études universitaires en architecture. Un an plus tard, coup de fil de son amie. Elle est au Mexique et lui propose d’aller le rejoindre. Après ce voyage, c’est à Montréal qu’il repart, aux côtés de celle qui deviendra la mère de ses enfants.

Déterminé à devenir architecte, Oscar commence par apprendre le français. Il s’inscrit même à des cours de diction, parce qu’on lui a dit qu’avec un accent étranger tout serait difficile. Après deux cours donnés par un Japonais – oui – à l’accent beaucoup plus marqué que le sien, Oscar cesse de perdre son temps. Surtout, il décide que son identité, sa couleur et son origine ne l’empêcheront pas d’avancer comme il l’entend.

Pour prétendre à une place dans une université en architecture, il faut passer par le cegep. M. Ramirez décroche une technique, puis frappe aux portes de l’enseignement supérieur. Programmes contingentés obligent, on compte beaucoup de candidats pour peu d’élus. Se retrouvant sur une liste d’attente à l’Université de Mont­réal, où il téléphone chaque jour, sans succès, avant de lancer une nouvelle offensive. Portfolio sous le bras, il se présente au bureau du registraire. «J’ai attendu toute la journée, il n’est jamais venu. Le concierge a dû avoir pitié et a déposé mon portfolio sur son bureau.»

Oscar saute sur le téléphone le matin suivant. Au bout du fil, le registraire ne réussit pas à placer un mot. «Je ne le laissais pas parler, énumérant tous les arguments possibles pour être accepté. Il m’a coupé la parole. “Attendez! Pas la peine d’insister.” Silence. “Vous êtes accepté.” Ce moment-là figure au palmarès des plus beaux moments de ma vie, avec la naissance de mes enfants.»

Le premier jour de cours, M. Ramirez rencontre celui qui est, aujourd’hui encore, son associé. Étudiant sans le sou, mais soutenu par sa famille au Guatemala et celle de son amie ici, Oscar est maintenant à la tête du trio dirigeant le bureau d’architectes Cardin Ramirez Julien.

«Mes associés ne me voient pas comme un étranger, s’amuse-t-il. Parce que je suis très bien intégré. Je n’ai pas besoin d’afficher les couleurs du drapeau ni de manger des frijoles tous les jours pour savoir que je suis guatémaltèque. Mes racines demeurent fondamentales, bien sûr, et je garde des liens forts avec ma famille. Mais chez moi, c’est à Montréal. Ici, on me demande d’où je viens. Au Guatemala, on me pose la même question! Ma valise est défaite – et jetée – depuis longtemps.»

Au sein d’une multitude d’organismes, M. Ramirez donne de son temps bénévolement. «Retour d’ascenseur pour la société qui m’a accueilli et donné une chance». Quand vint le temps de demander sa résidence permanente, M. Ramirez aurait pu se marier pour obtenir un statut administratif facilement. Mais ça contrevenait à ses valeurs; il a choisi la voie officielle. Non sans difficultés. À force de détermination, de lettres au ministre et avec un coup de pouce de «quelqu’un qui connaît quelqu’un», il obtint le statut tant convoité.

Des embûches? «Vous allez trouver ça prétentieux, mais je n’en ai pas rencontré. Mautadit que l’hiver est plate, lance M. Ramirez, avec un accent latino prononcé. Mais apprends à l’aimer. Si tu passes ton temps à regretter d’où tu viens et ce que tu as laissé, tu n’y arriveras pas.»

L’émission de Radio-Canada International Tam-Tam Canada a produit une version radio de ce reportage. Réalisée par la journaliste Anne-Marie Yvon, cette émission est disponible sur le site de RCI (rcinet.ca/francais).

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