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Comprendre les soins palliatifs

Photo: Denis Beaumont/Métro

Alors que le Québec s’engage vers l’aide médicale à mourir, plusieurs spécialistes croient qu’il serait suffisant, pour soulager la douleur des mourants, d’améliorer l’accès à des soins palliatifs de qualité. Que sait-on vraiment des soins palliatifs au Québec? Métro a visité l’unité de soins palliatifs de l’Hôpital général de Montréal pour faire le point.

«Je sais que je vais mourir ici, disait Jean-Claude Boisclair en juin dernier. Mais c’est pas grave, je suis prêt.» M. Boisclair, 58 ans, est atteint d’un cancer des poumons envahissant et complexe. Ni opérable ni guérissable. Ne voulant pas s’acharner, il a refusé la chimiothérapie qui n’aurait pu que prolonger ses jours, effets secondaires en prime. À l’unité de soins palliatifs depuis une semaine, il disait profiter de ses derniers moments de vie. «La bouffe est bonne ici, la viande est tendre, c’est le Queen Elizabeth!» a-t-il témoigné avec enthousiasme.

Avant de se poser à cette unité de soins, M. Boisclair a souffert de douleurs aiguës. «C’était comme une boule de feu qui me sortait par l’omoplate pendant des heures», a-t-il confié. À son arrivée, l’équipe de soins palliatifs a mis une journée à ajuster ses doses de morphine et de méthadone, et il a ensuite arrêté d’avoir mal. Il reçoit régulièrement la visite de son fils, qui peut dormir sur place. «Je veux être conscient le plus longtemps possible», a déclaré le malade.

Jean-Claude Boisclair est un patient type de l’unité de soins palliatifs, selon son directeur, le Dr Manuel Borod. Environ 300 personnes y reçoivent des soins chaque année, dont une grande partie ont des cancers de stade avancé. «Ce sont des gens qui souffrent, et notre rôle est de diminuer leur douleur», a expliqué le Dr Borod. Pour ce faire, l’équipe du médecin, qui compte plus de 20 infirmières, utilise la pharmacothérapie, les analgésiques, les anti-inflammatoires, la psychothérapie et même la musicothérapie et la zoothérapie. «On évalue les besoins de chaque patient et on peut faire diverses interventions, a relaté le Dr Borod. Par exemple, si quelqu’un manque de souffle, il y a peut-être du liquide à enlever dans ses poumons.»

Est-ce qu’il y a des patients qui ont des symptômes intolérables malgré tous ces traitements? Oui, admet le Dr Borod. Dans ces cas-là, les patients sont mis sous sédation palliative, ce qui réduit leur conscience. «Il y a différents niveaux de sédation. Si le patient a toujours l’air agité malgré une légère sédation, on doit augmenter celle-ci, au point où il peut être complètement endormi. Le but est qu’il ne soit pas conscient de ses symptômes», a expliqué Diane Lebeau, assistante infirmière-chef. Les mourants restent dans cet état en moyenne un ou deux jours. Le Dr Borod reconnaît tout de même qu’on ne peut pas savoir à 100% si la personne souffre ou non.

Lors du passage de Métro, Jean-Claude Boisclair était convaincu qu’il s’en irait peu à peu, aidé par sa médication. «À mesure que la douleur va augmenter, les doses vont suivre et j’imagine que mon cœur ne sera plus capable de le prendre», a-t-il estimé. Est-ce donc vrai que les doses de plus en plus élevées d’opiacés finissent parfois par entraîner la mort du patient? Ce n’est jamais l’objectif, mais c’est vrai qu’elles peuvent accélérer le décès d’un patient, a admis Mme Lebeau. «Le but est de le soulager, mais si en fin de compte le patient finit par partir, c’est qu’il était déjà très hypothéqué et qu’il serait mort de toute façon, mais dans la douleur.»

Il faudrait plus de disponibilités des soins palliatifs au Québec, croient Mme Lebeau et le Dr Borod. «À certains endroits, il manque de lits et de médecins spécialisés», a souligné Mme Lebeau. C’est ça dont le Québec a besoin, et non de l’aide médicale à mourir, estime le Dr Borod. Il note par ailleurs que très peu de patients à son unité de soins palliatifs demandent de mourir. Tout au plus cinq par année. «Et la plupart de ceux qui demandent de mourir sont finalement contents de ne pas avoir eu l’option», a jugé le médecin.

«Plusieurs personnes ont peur de souffrir et de perdre leur dignité, a pour sa part remarqué Mme Lebeau, qui a travaillé une dizaine d’années au chevet de patients de l’unité. Aux soins palliatifs, ils perdent leur autonomie, mais pas leur dignité. On réussit à transmettre cette idée-là, parce que le regard de l’autre est souvent ce qui fait la différence.»

«Beaucoup de gens ne veulent pas venir ici parce que ça signifierait que la mort s’en vient, mais au contraire, on travaille à donner la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la dernière minute.» -Diane Lebeau, assistante infirmière-chef

 

Douleurs
«On ne peut pas soulager toutes les souffrances» Le Dr Marcel Boisvert, professeur retraité de médecine palliative à l’Université McGill, estime qu’il est faux de prétendre qu’on peut soulager toutes les souffrances. «On peut atténuer la majorité des douleurs physiques, a-t-il affirmé. Cependant, la raison principale pour laquelle les gens demandent de mourir, c’est la souffrance existentielle, le fait d’être dans un état de dépendance et de déchéance totale que personne ne peut soulager.»

Le Dr Boisvert refuse d’ailleurs de voir la sédation palliative comme une solution miracle. «Je n’ai rien contre la sédation terminale si le patient la demande, a indiqué le médecin retraité. Il y a des gens qui refusent d’être des morts-vivants dans un lit pendant plusieurs jours. Certains cas de sédation durent deux ou trois semaines, et la famille et le personnel soignant perdent les pédales. C’est inhumain!»

Le Dr Boisvert est toutefois conscient que son opinion en faveur de l’aide médicale à mourir est minoritaire parmi le personnel en soins palliatifs.

Contexte
Le projet de loi 52 a été adopté au début de juin par l’Assemblée nationale du Québec. Il encadre les conditions dans lesquelles un patient pourra recevoir l’aide médicale à mourir, ce que certains qualifient d’euthanasie. Les hôpitaux ont encore environ 16 mois pour le mettre en application. Certains groupes de citoyens contre l’euthanasie ont toutefois fait connaître leur intention de contester sa légalité devant les tribunaux.

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