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Humanitaire 2.0: aider avec son clavier

Photo: Peter Macdiarmid/getty

Grâce aux logiciels libres, n’importe quel internaute peut devenir utile au cours d’une crise humanitaire. Sans même quitter son siège et son bureau d’ordinateur. Bienvenue dans le monde des cartes humanitaires 2.0, un domaine avec tellement de potentiel que le ministère des Affaires étrangères se penche sur le phénomène.

Avant janvier 2010 et le tremblement de terre à Port-au-Prince, l’économiste québécois à la retraite Pierre Béland n’était pas convaincu des potentialités offertes par OpenStreetMap, l’équivalent de GoogleMaps, mais en logiciel libre, et disposant donc de la possibilité d’être amélioré par les internautes.

Mais ses doutes sont vite tombés. «Quelques heures après le séisme, la communauté OpenStreetMap, qui compte plusieurs milliers de personnes partout sur la planète, s’est mobilisée», raconte M. Béland. Les spécialistes de la cartographie ont obtenu des images satellites de la ville avant et après le séisme. D’autres les ont découpées en milliers de microzones où chaque contributeur, à l’aide de sa souris, trace des polygones où il indique notamment les édifices détruits, les rues bloquées et les camps de fortune. «Au début, les Nations Unies doutaient de nous, mais elles ont vite compris le potentiel de ces cartes pour déployer les efforts liés aux opérations de sauvetage et à l’aide humanitaire», ajoute l’économiste québécois. Tout ça gratuitement, car c’est la philosophie qui va de pair avec les logiciels libres.

Pour compléter ces renseignements, un des fondateurs de HOT (Humanitarian OpenstreetMap Team) s’est par la suite rendu sur place, essentiellement pour prendre des coordonnées GPS, vérifier où sont les hôpitaux et les écoles encore debout et fournir ainsi des cartes détaillées chaque jour aux humanitaires sur le terrain. «Ça nous a vraiment positionnés nous et Ushahidi, sur la carte des groupes humanitaires.»

Ushahidi, c’est le nom d’une start-up kenyane qui a créé en 2007, année d’élections, un logiciel opensource pour permettre aux citoyens de signaler par SMS ou par courriel des irrégularités ou des violences dans les bureaux de vote. Les informations sont recoupées et présentées sur une carte qui permet de s’en faire une idée plus précise.

Lors du tremblement de terre, le logiciel d’Ushahidi a permis de présenter sur une carte les appels et les SMS envoyés par des Haïtiens coincés sous les décombres. Une équipe d’internautes était chargée de géolocaliser l’appel, de traduire les messages en créole et de mesurer le degré d’urgence.

L’UN-OCHA, le bras de l’ONU lors des catastrophes, a aussi nommé dans ses rangs un spécialiste, Andrej Verity. Basé à Genève, il est chargé de développer l’utilisation du web 2.0 pour améliorer ou compléter le travail des organisations humanitaires sur le terrain. Sur le blogue de l’organisation kenyane, il décrit bien, lors de la crise libyenne, l’utilité de Ushahidi et de ses contributeurs regroupés sur le terrain au sein de la Stanby Task Force (SBTF). «Au début de la crise, en mars 2011, l’ONU n’avait aucun accès au pays et n’avait pas la capacité de vérifier et de compiler l’énorme quantité d’informations que nous recevions. Pour nous, les données derrière la carte de la crise libyenne représentaient une mine d’or», écrit M. Verity. Comme dans le cas d’Haïti, la carte a été créée grâce aux SMS et aux courriels envoyés par des contributeurs sur place qui détaillaient notamment les différents fronts, les lieux de bombardements, les mouvements de troupes, ou de réfugiés permettant ainsi de planifier l’aide humanitaire à distance.

Le spécialiste des nations unies se félicite de la rapidité avec laquelle les cartes ont été produites et admet que le modèle collaboratif à distance a été tellement efficace que cela est même en train de changer la culture interne de l’organisation, même chez certains sceptiques.

La présentation sur les cartes mises à jour par Humanitarian OpenStreetMap a permis de faciliter grandement les efforts de sauvetage, au point où les Nations Unies utilisent désormais régulièrement ces deux organisations au cours de leurs opérations humanitaires. Aujourd’hui, Humanitarian OSM travaille à plusieurs projets humanitaires au Mali, en Syrie et au Congo, et effectue des activités de formation (payantes celles-là) en Indonésie et en Haïti, parce qu’il faut bien mettre du beurre dans les épinards!

Le Canada intéressé
Le ministère des Affaires étrangères du Canada, souvent décrié pour son manque d’initiative au cours des crises, s’intéresse au concept des cartes humanitaires.

  • Il a convoqué au printemps des représentants d’Ushahidi, d’Humanitarian OSM et de SVTF pour trois jours de simulation.
  • Les trois organisations devront notamment géolocaliser des Canadiens pris dans un pays en crise et contribuer par leurs informations et leurs cartes aux activités de rapatriement.

Voir la progression de la carte jour après jour à Port-au-Prince en janvier 2010.

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