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Lily Cole: un rêve (im)possible

Photo: Emir Eralp

Impossible.com est un site d’économie de don qui invite les gens à donner et à recevoir 
pour rien de plus qu’un merci. La mission sociale de la mannequin Lily Cole montre pourquoi,
 dans la vie, les meilleures choses sont gratuites.

«Je vais commencer à l’appeler “possible”, ça sonne beaucoup mieux», rigole Lily Cole en parlant de son site d’économie de don Impossible.com et de l’application de celui-ci. Dans une société capitaliste, où l’argent et la consommation sont tout-puissants, l’idée qu’a eue la mannequin au visage de poupée de lancer un site d’économie de don semblait relever du romantisme le plus éperdument naïf. Cependant, grâce à l’appui de Kwame Ferreira (fondateur de Kwamecorp, une agence à la recherche d’innovations numériques), du fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales, et de l’inventeur du World Wide Web, Tim Berners-Lee, il s’agit de tout autre chose que d’un concept futile ne valant pas la peine qu’on s’y arrête. C’est en fait une plateforme altruiste où des souhaits sont publiés et exaucés par des gens de même sensibilité. Les seules monnaies qui y sont utilisées sont la générosité et la gratitude: «L’essentiel, à propos d’Impossible, porte sur la valeur, pas l’argent», affirme Lily Cole. À cet égard, l’ancienne cover-girl de Vogue, qui a obtenu son diplôme avec honneurs en histoire de l’art à Cambridge en 2011, n’entend pas se verser de salaire pour son travail sur sa plateforme altruiste. «C’est mon cadeau, et je veux qu’il soit bien distinct de moi», explique-t-elle.

Avez-vous lancé Impossible.com en réponse à la récession?
Pas vraiment. Mais la conversation dont est issu le concept du site avait un rapport avec la récession. Je l’ai eue en 2010 avec une amie, Kate Tomlinson, qui travaille aujourd’hui pour Impossible. Plus philosophiquement, nous nous demandions pourquoi, lorsqu’il y a une récession, la paralysie de l’économie entraîne la paralysie de la société. Parce que, quand on y pense bien, tout le monde a des compétences, du temps, des ressources: il n’y a aucune raison, de prime abord, que la société ne continue de s’organiser. Nous sommes presque devenus les esclaves de la structure que nous avons créée, et nous oublions que c’est nous qui l’avons créée. (Rires)

Essayez-vous de célébrer les gestes positifs avec cette plateforme?
Il y a en effet une dimension de célébration au site. J’étais intéressée par l’analogie entre les idées actuelles de réputation sociale dont jouissent la plupart des réseaux sociaux comme eBay et [la compagnie de taxis] Uber et les économies classiques de don: l’idée de réputation sociale est une partie importante de l’équation. Je n’ai pas peur de ça et je crois que c’est une grande chose que nous puissions souligner la générosité les uns des autres. Ceci dit, ce n’est pas la raison principale. La célébration de la bonté est une sorte de monnaie commune pour encourager ce qui est vraiment à l’origine de la plateforme, à savoir les gestes concrets.

Vous avez lancé votre plateforme au Royaume-Uni, et Impossible.com sera bientôt accessible aux États-Unis, au Canada et en Australie. Avez-vous hâte de voir quel pays est le plus généreux?
Évidemment, je suis curieuse, mais ce serait un grand gaspillage d’énergie s’il ne s’agissait que d’une vaste expérience sociale menée afin de savoir quel pays est le plus gentil. J’ai bien ma petite idée, mais je n’en parlerai pas… Je vexerais forcément un pays. (Elle ricane.)

Quel est le geste le plus altruiste que vous ayez posé?
Je suis loin d’être quelqu’un de parfaitement altruiste. Ce que j’essaie de faire, c’est de grandir en tant qu’être humain. Quand je ne suis pas gentille ou que je fais quelque chose de mal, je me réprimande. J’ai constamment l’envie de travailler sur moi.

Avez-vous aidé personnellement quelqu’un grâce à votre site?
J’ai aidé quelques personnes. La fois que j’ai le plus aimée, ç’a été avec un garçon qui souhaitait exercer son anglais. J’ai vu qu’il était à Manchester, une ville où je devais me rendre quelque temps plus tard. Je lui ai donc dit que nous pourrions nous rencontrer en personne, plutôt que de nous parler au téléphone. Puis, j’ai vu qu’un autre de ses souhaits était que quelqu’un aide un sans-abri qui se tenait au bout de sa rue. Nous avons eu une conversation en anglais à propos de cet homme et j’ai fini par trouver une tente pour le sans-abri. Je suis un peu gênée de le dire, mais la situation avait quelque chose de magique: tout s’est passé d’une façon très harmonieuse.

Restez-vous en contact avec les gens que vous aidez?
Je demeure en contact avec certains. Une des grandes choses, avec l’économie de don, c’est que, une fois que quelqu’un a fait quelque chose gratuitement pour vous, un lien subtil se tisse. Je peux d’ailleurs sentir une communauté grandir autour de moi.

On dirait un peu une communauté de village comme dans le temps. Êtes-vous nostalgique de l’époque où tout le monde s’entraidait?
Je suis nostalgique des contacts humains. J’ai l’impression que, dans une grande ville, comme ici à Londres, nous sommes constamment entourés de gens, mais nous n’établissons jamais réellement de contact avec aucun d’eux. C’est quelque chose dont je ne me suis vraiment rendu compte que lorsque j’ai commencé à voyager dans d’autres pays.

Où avez-vous constaté l’existence de ces rapports?
Je crois que là où je les ai vus de la façon la plus poussée, c’était en me rendant dans un camp de réfugiés à la frontière de la Thaïlande et du Myanmar. Les gens n’avaient ni argent, ni infrastructures durables, et ils se partageaient leurs ressources grâce au rationnement. Sans rien idéaliser, je dois dire que, le degré de contact humain que j’ai observé là-bas, je ne le constate pas parmi les habitants des grandes villes comme Londres et New York. Dans les pays les plus développés, nous sommes tous des entités indépendantes; je ne retrouve le sentiment de l’interdépendance que dans des environnements extrêmes.

Quand vous êtes-vous rendu compte que les médias sociaux pouvaient servir à autre chose qu’à la promotion des ego des gens et des activités visant un gain personnel?
Je n’étais sur aucun réseau social avant de travailler sur Impossible. Les possibilités de provoquer des changements considérables sur les plans sociologique et psychologique grâce à ce moyen sont énormes. Historiquement, cela n’a jamais été possible sur une échelle aussi grande.

Pensez-vous que les médias sociaux peuvent rapprocher les gens plutôt que de n’être qu’un moyen d’éviter les interactions directes?
Oui, et je me demande si la popularité des médias sociaux ne reflète pas d’une certaine façon ce désir que nous avons de rapports plus riches.

Vous êtes le visage de cette initiative, mais vous avez aussi représenté plusieurs marques de mode durant votre carrière de mannequin. Êtes-vous préoccupée par ce que vous avez endossé?
Oui, et c’est pour ça que j’ai suivi un autre chemin. J’ai commencé dans le milieu de la mode alors que j’avais 14 ans, et ça m’a offert énormément de possibilités, mais j’ai toujours été un peu en conflit avec tout ça. J’étais sans cesse en train de m’interroger sur le fait que notre société est une société de consommation et sur la façon dont la publicité marche. Je réfléchissais à toutes ces choses et je sentais cette immense machine autour de moi.

Êtes-vous préoccupée par les questions éthiques que posent le fonctionnement de l’industrie de la mode et la consommation en général?
Ça me préoccupe de façon globale, pas à l’échelle individuelle – comme le fait qu’on ne connaît jamais l’histoire qu’il y a derrière un produit. Prenez ce sac, par exemple. Je n’ai aucune idée d’où il vient, comment l’animal a été traité, qui l’a cousu et quel effet la teinture a pu avoir sur l’environnement. J’aimerais qu’il y ait de la transparence dans cette industrie.

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