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Le monde selon Vivienne Westwood

Photo: Rebecca Naen
Richard Peckett - Metro World News

La designer, célèbre pour son franc-parler, a des propos percutants sur les États-Unis et le féminisme.

Assise, dame Vivienne West­wood regarde en contrebas le lac calme où se reflète le soleil et le boisé de Henham Park, dans la pittoresque région anglaise du Suffolk. En fait, l’agréable et bucolique propriété où nous nous sommes donné rendez-vous est le genre de pâturage que la designer de mode de 73 ans tente de sauver du fractionnement en menant une énergique campagne.

Mme Westwood, qui participait au Festival Latitude en juillet dernier au nom du groupe d’activistes environnementaux Greenpeace, explique: «Je n’aime pas les festivals, mais je me réjouis du nombre de personnes qui s’y pressent. C’est une belle occasion de parler aux gens.»

Par les temps qui courent, cette grande dame exerce sa liberté d’expression autant dans ses déclarations que dans ses créations. Elle et ses diverses marques luttent contre l’injustice, que celle-ci soit sociale, culturelle ou politique. Au cours de notre rencontre, Mme Westwood a exprimé son opinion sur le féminisme, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, et la politique étrangère des États-Unis.

Lily Allen, tête d’affiche du festival Latitude est une farou­­­che défenseuse du féminis­me. Que pensez-vous du fait que le féminisme soit au centre de l’attention médiatique?
Les féministes devraient cesser d’être aussi hypocrites. C’est comme si nous étions des victimes qui méritent un traitement de faveur – cela n’est pas très héroïque. Nous devrions nous préoccuper des problèmes internationaux et non de la stupide petite consommation féminine. C’est fou, toutes ces femmes matérialistes qui veulent uniquement qu’on parle de cancer du sein, de viol, de ce qui les rend si uniques et de leurs maris qui ne les comprennent pas! Mon Dieu! Pour moi, tout ça, c’est du vent et je crois que les politiciennes également sont du vent, parce qu’elles cherchent seulement à être comme des hommes – ce qu’elles ne doivent pas faire! Elles devraient se préoccuper de ce qui est dans le meilleur intérêt des êtres humains. Les êtres humains sont brillants. Les politiciens ont tous subi un lavage de cerveau et croient tous au mythe occidental de l’économie. Il est terrible qu’ils ne se soucient pas des gens. Tout ce qu’ils connaissent, c’est le mantra: «Prenons soin des grandes entreprises, assurons la croissance, créons des emplois.» Mais les grandes entreprises ne nous donnent rien de cela!

Pourtant, les grandes entreprises sont bonnes pour l’économie, et donc pour le reste de la société, non?
Les grandes entreprises répètent toutes: «Ce qui est bon pour nous est bon pour tout le monde.» Mais elles sont en train de détruire le monde au nom de leurs propres intérêts si spéciaux. Tout revient à cet horrible club, à cette mafia qui dirige le monde et qui se compose de banquiers, de politiciens et de médias qui s’entraident les uns les autres.

«Je n’aime pas les festivals, mais je me réjouis du nombre de personnes qui s’y pressent. C’est une belle occasion de parler aux gens.» -Vivienne Westwood, designer

 

À l’évidence, vous n’êtes pas féministe, mais alors, qu’êtes-vous? Humaniste?
Un être humain. Non, je ne suis pas vraiment une humaniste. Je crois aux hommes des cavernes. Les êtres humains ont le potentiel d’être ce qu’il y a de plus beau et de faire de ce monde un paradis. À condition d’être vraiment fidèles à nos valeurs humaines les plus authentiques. Les gens ont été anesthésiés par la propagande et l’attrait de la consommation. Nous sommes dans une ère de capitalisme extrême.

Votre ami Julian Assange est capable de dénoncer la corruption. Récemment, votre fils Ben a déclaré qu’Assange pourrait faire une apparition sur la passerelle d’un défilé. Mais ne croyez-vous pas qu’il est temps qu’Assange fasse plutôt une apparition en cour?
Le gouvernement suédois ne déposera pas d’accusation contre lui parce qu’il n’a aucune preuve contre lui. Il le considère comme un suspect, mais Julian est encore innocent. Il a dit: «Je me rendrais bien en Suède, mais peut-on me garantir que je ne serais pas ensuite extradée vers les États-Unis?» Personne ne peut le lui garantir. Quelle est la raison pour laquelle ils veulent l’envoyer là-bas? Julian aimerait bien aller en cour et rétablir sa réputation. Il aimerait pouvoir le faire, mais on ne lui en donne pas l’occasion, parce qu’il risque de se faire mettre entre quatre murs de béton aux États-Unis. Moi, à sa place, je n’irais pas en Suède, et je crois que n’importe quelle personne saine d’esprit n’irait pas non plus. Il préfère rester à l’ambassade d’Équateur, où il peut diriger WikiLeaks, une initiative qui est absolument fabuleuse pour tout le monde.

Parlant des États-Unis, que pensez-vous de leur engagement en Ukraine et de leur gestion de l’affaire du vol MH17 de Malaysia Airlines?
Je crois que les Américains ont probablement descendu l’avion. Parce qu’ils sont toujours derrière tout. Quand vous entendez dire qu’un pays a été déstabilisé, vous pensez immédiatement que la CIA est derrière tout ça. Cela dit, je ne suis pas non plus une admiratrice de M. Poutine. C’est un gangster, et je ne dirai pas lequel des deux est le pire, parce que j’estime qu’ils sont tous deux mauvais.

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