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L’alpaga, «laine des dieux», à la conquête du marché international

Pour les Incas, c’était « la laine des dieux », plus précieuse que l’or et réservée aux seuls empereurs. Aujourd’hui, l’alpaga connaît un engouement bien au-delà du Pérou pour la finesse, la chaleur et la versatilité d’une fibre qui part à la conquête des enseignes de luxe.

Brassant à pleines mains les écheveaux de laine, dans le cliquetis de machines qui trient, lavent, sèchent et cardent la précieuse fibre, Derek Michell n’a pas assez de mots pour vanter « la magie de l’alpaga ».

« C’est une matière extraordinaire, qui tient plus du poil que de la laine, beaucoup plus douce, plus légère, soyeuse et durable. Elle possède des propriétés thermiques uniques grâce à de petites bulles dans ses fibres, qui permettent d’être au chaud en hiver et d’avoir une sensation de fraîcheur durant les jours chauds », dit M. Michell à l’AFP, dans une des cinq usines que possède sa compagnie à Arequipa, un des centres textiles les plus importants du Pérou.

Producteurs, designers et acheteurs du monde entier étaient au rendez-vous de « AlpacaFiesta », la plus importante rencontre de l’industrie de l’alpaga organisée mi-novembre dans la « cité blanche » d’Arequipa, deuxième ville du pays, que surplombe le volcan Misti.

Cette grande fête de l’alpaga « fera date dans l’histoire textile du Pérou », assure un des organisateurs, Cesar Ludgens, à l’AFP, alors que plus de 15 millions de dollars de la précieuse fibre ont été négociés en quelques jours par quelque 70 acheteurs internationaux.

Selon le ministère du Commerce extérieur, les exportations d’alpaga ont bondi de 58% entre 2009 et 2013, principalement en direction de la Chine, l’Italie et le Japon, générant plus de 130 millions de dollars.

De janvier à septembre 2014, elles ont encore grimpé de 66,6% par rapport à l’an dernier.

Des pâturages des Andes aux boutiques et à l’exportation, la compagnie Michell, fondée en 1931 à Arequipa par le grand-père de Derek, un Anglais venu chercher fortune au Pérou, est pionnière dans l’industrie de l’alpaga et fait travailler 50 000 familles de la région.

Izumi Ichikawa, représentante d’une des plus importantes chaînes de téléachat du Japon, a fait le voyage pour « voir sur place les qualités de l’alpaga dans un marché asiatique saturé par le cachemire », son grand rival mais dont la supériorité commencerait à décliner en raison d’une production de masse, selon les experts.

Les troupeaux d’alpagas, de la famille des camélidés (au même titre que la vigogne ou le lama) ont arpenté les Andes pendant des millénaires avant d’être domestiqués par les civilisations pré-incaïques.

Ils forment une population de quelque 4 millions en Amérique du Sud dont 90% dans le sud du Pérou, en haute altitude (entre 3000 et 4500 mètres) et dans des conditions climatiques extrêmes, avec des variations de températures pouvant aller de -20°C à +30°C.

Plus de 20 teintes naturelles
Les Américains Jared Johnston et son épouse Meyla, originaires d’Idaho (nord-ouest) et entrés dans le monde de l’alpaga, ont créé un magazine mensuel de référence (Alpaca Culture) destiné à la grande communauté d’éleveurs d’alpagas des Etats-Unis.

Ils s’avouent « impressionnés par la qualité de la production péruvienne ».

« Cela nous remplit d’énergie, affirme Meyla Johnston. Nous voulons faire connaître chez nous les qualités de l’alpaga, dont l’élevage n’endommage pas l’environnement et respecte les règles d’un développement durable. »

Sur le marché international « c’est le bon moment pour l’alpaga qui est destiné à grandir », assure-t-elle.

Dans d’anciens cloîtres du 17e siècle transformés en galeries marchandes dans le centre colonial d’Arequipa, la créatrice péruvienne Jenny Duarte a ouvert une boutique raffinée dédiée à l’alpaga.

L’alpaga, explique-t-elle, est un des rares animaux possédant une riche palette de teintes naturelles, plus de 20, allant du noir le plus profond jusqu’au blanc neige en passant par toutes les nuances du crème, fauve, brun ou gris.

Formée dans une école de stylisme à Paris, elle travaille avec des petits groupes d’artisans locaux détenteurs de techniques ancestrales.

« Nous voulons faire connaître l’alpaga au monde entier, dit-elle à l’AFP, et montrer que nous pouvons aussi l’utiliser pour des vêtements très sophistiqués. »

« Jusqu’à présent, sourit-elle, c’était plutôt considéré comme quelque chose de folklorique et artisanal, du domaine du souvenir de voyage comme les bonnets avec des broderies de lamas. »

Elle regrette toutefois que les « Péruviens ne soient pas habitués à porter de l’alpaga ». « Nous possédons une riche culture millénaire qui est une source d’inspiration fabuleuse pour nous les créateurs, que nous pouvons explorer et réinterpréter », ajoute-t-elle.

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