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Parfumeur d’une journée

Photo: Métro
Emma E. Forest - Metro World News

La ville de Grasse produit la plupart des parfums vendus dans le monde. Notre journaliste y a mis le nez.

Quand un nez crée un parfum, il s’assoit devant ce qu’on appelle un «orgue à parfums», un meuble ouvert composé d’étagères où s’alignent près de 3 000 fioles d’essences diverses. Je m’apprête à créer ma propre composition à partir d’un choix plus modeste d’une centaine de bouteilles contenant des bases de parfum fleurant tantôt la lavande, tantôt l’ananas ou l’herbe fraîchement coupée.

Les flacons sont rangés sur des petits niveaux dans le studio où sont fabriquées les fragrances chez Galimard, l’une des trois grandes parfumeries de la ville de Grasse, le cœur de l’industrie française du parfum.

Toutes ces fioles constituent un choix suffisamment vaste pour déstabiliser l’indécise que je suis, en particulier avec la pression que j’éprouve à l’idée de créer enfin le parfum de mes rêves. Heureusement, je suis aidée de Laurent, parfumeur chez Galimard, qui commence par me faire subir un test à l’aveugle afin de déterminer le groupe de fragrances qui m’attire. Il m’explique ensuite l’architecture d’un parfum : il y a les notes de tête, qui sont notables au cours des 10 premières minutes qui suivent l’application; les notes de cœur, qui confèrent au parfum sa personnalité et peuvent tenir jusqu’à 5 heures; et les notes de fond, qui sont celles qui restent, par exemple dans un foulard, pendant près de 7 heures.

À ma grande surprise, Laurent me dit que je suis attirée par des arômes boisés et épicés. Il choisit donc certaines notes de fond qui, pense-t-il, sont susceptibles de me plaire. La base de mon parfum se compose ainsi d’ambre, de santal et d’un floral musqué, que je verse en doses bien précises dans un gros tube à essai, tout en plongeant de temps en temps dans le mélange une mouillette pour tester l’odeur.

L’étape suivante consiste à ajouter les notes de cœur, lesquelles, comme nous l’a expliqué Laurent, donnent au parfum sa personnalité et tiennent jusqu’à cinq heures. Je choisis du géranium, de l’ylang-ylang, de la fleur de grenade, de la fleur de tiaré – une variété de gardénia qui pousse à Tahiti –, des feuilles de chèvrefeuille et de l’aldéhyde, une fragrance synthétique qui a été utilisée la première fois dans le célèbre No 5, de Chanel, ce qui donne à ma création un style année 1970 fort agréable. Humant celle-ci de manière approbatrice, Laurent me confirme que ma sélection est harmonieuse.

J’ai l’odorat qui tourbillonne quand vient le moment de choisir parmi les notes de tête celles que je veux ajouter à ma fragrance. Je finis par retenir des arômes de géranium sauvage, de rose centifolia, de thé anglais, de bergamote verte et de tabac. Quand Laurent me tend ma création, qu’il a versée dans un flacon arborant une étiquette où on peut lire le nom ronflant que j’ai donné pour rire à mon parfum – Vacances à Beaulieu –, deux dames se demandent toujours quelles notes de tête elles préfèrent.

Quelques faits

  • Récolte. Les violettes et le mimosa sont récoltés au printemps, les roses en mai et en juin, la lavande en juillet, et le jasmin d’août à octobre. Les roses sont cueillies quotidiennement, car elles poussent durant toute la saison, mais la lavande est récoltée une fois par an.
  • Importations. Bien qu’il y ait des champs de fleurs dans les environs de Grasse, les usines fabriquent principalement des produits primaires pour l’industrie du parfum à partir de fleurs importées. Les roses proviennent du Maroc, de Turquie et de Bulgarie, et le jasmin arrive d’Égypte et d’Inde.
  • Histoire. Les premiers parfumeurs officiels furent d’abord des fabricants de gants. Les maîtres gantiers créèrent en effet à l’intention de la cour de France des fragrances afin de masquer l’odeur forte des gants et des manteaux en cuir. Ils prirent le nom de «maîtres parfumeurs» au XVIIe siècle.

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