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Gilles Villeneuve: un homme et son camion

Photo: Canadian Press
Alexandre Geoffrion-McInnis - La Presse canadienne

BERTHIERVILLE, Qc — Dans un coin sombre du musée Gilles-Villeneuve de Berthierville, un véhicule détonne de tous les autres bolides aux lignes effilées: un camion tout terrain orange. Pourtant, pour de nombreux proches du défunt pilote québécois, c’est peut-être celui qui le symbolise le mieux.

Il fallait voir la file de curieux qui se massait devant l’imposant camion Ford samedi, quelques minutes après la cérémonie commémorant le 35e anniversaire du décès de Villeneuve survenu en piste lors des qualifications du Grand Prix de Belgique, à Zolder, le 8 mai 1982.

Les amateurs de course présents insistaient pour se faire prendre en photo devant la bête orange avec un homme de 74 ans, Gaétan Giroux, le propriétaire d’un garage de Berthierville avec lequel Villeneuve avait développé des liens d’amitié très forts. Giroux avait d’ailleurs travaillé avec lui à la confection de ce camion, dont le bas de la caisse trône à environ cinq pieds du sol.

«Après avoir fait le saut en F1, je me souviens que Gilles avait l’habitude de revenir à Berthierville une quinzaine de jours avant le Grand Prix du Canada — qui se tenait en octobre à l’époque —, afin de travailler sur son camion orange, a dit Giroux, aujourd’hui retraité. Un jour d’octobre 1978, je crois, il m’avait demandé d’embarquer avec lui pour aller faire un tour. Il avait trouvé un sentier boueux impraticable dans le village voisin, à Saint-Cuthbert, et il avait la certitude que son camion allait le traverser.

«Alors nous y sommes allés, et comme de fait, son camion est resté pris. Il y avait de la boue jusqu’aux portes, et il avait fallu sortir par les fenêtres, s’est-il souvenu, en riant. Nous avions sorti le treuil et l’avions tiré hors du marécage. Gilles n’était pas content, et il voulait absolument améliorer son camion pour qu’il puisse le franchir l’année suivante.

«C’était ça, Gilles, il poussait toujours à la limite.»

Car bien qu’il n’ait signé que six victoires en 67 Grands Prix et n’ait jamais pu concrétiser son rêve de devenir champion du monde, comme l’a fait son fils Jacques des décennies plus tard, en 1997, la signature Villeneuve, c’était de toujours faire le spectacle.

Ainsi, tel un rituel, Gilles Villeneuve rentrait à Berthierville chaque année une quinzaine de jours avant le Grand Prix pour travailler sur son camion orange. Jusqu’à l’automne 1981. Après une journée passée dans les boisés et les marécages du secteur, il l’a remisé… pour ne plus jamais le reprendre.

Le camion a été récupéré en 1994 par l’équipe du musée dans le garage de la famille Villeneuve. Il était recouvert de boue. Depuis, aucune retouche n’a été faite, sauf un bon lavage pour son entrée au musée.

Les admirateurs de Gilles Villeneuve pourront le voir gratuitement tout au long du week-end, puisque le musée tient ses portes ouvertes annuelles. Les cérémonies commémoratives culmineront lundi, le 8 mai, avec la visite du consul général d’Italie à Montréal, Marco Riccardo Rusconi.

Pas d’appréhension pour le 40e, dit l’oncle Jacques
Il était impossible de visiter le musée Gilles-Villeneuve sans tomber sur Jacques Villeneuve, l’oncle, qui a fait une entrée remarquée en arrivant dans le stationnement de l’établissement à pleine vitesse samedi, comme s’il s’agissait d’une course.

L’homme âgé de 63 ans, volubile comme pas un, avait cependant l’air frêle et se déplaçait difficilement en raison d’une blessure à une cheville qui tarde à guérir — à cause d’un accident de motoneige qui s’est produit quelques années plus tôt. Sans détour, l’oncle va droit au but.

«J’ai récemment rencontré mes médecins à l’hôpital de Joliette et ils m’ont annoncé que la tumeur — il souffre d’un cancer de l’intestin — avait perdu 10% de sa taille, a-t-il confié. C’est bon. Il me reste encore peut-être trois, quatre ou cinq ans à vivre, je ne sais pas, mais honnêtement je m’en fous.»

L’oncle a confié ne pas entretenir de sentiments particuliers envers les cérémonies commémoratives à la mémoire de son frère, même s’il pourrait rater bien malgré lui le 40e.

«Je n’aime pas ça parce que c’est un événement triste, a-t-il expliqué. Et puis, il ne se passe pas une journée sans que je ne pense pas à mon frère, parce que ma maison est remplie de photos et de souvenirs lui ayant appartenus. Si je ne suis pas là pour le 40e, et bien tant pis.»

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