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Kaya Turski met un terme à sa carrière

Frédéric Daigle, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Incapable de donner sa pleine mesure aux Jeux olympiques de Sotchi en raison d’une blessure au genou, la spécialiste du slopestyle Kaya Turski souhaitait plus que tout se reprendre à ceux de Pyeongchang, en Corée du Sud, en février. Mais comme ça lui est arrivé trop souvent au cours de sa carrière, son corps l’empêche de vivre à fond sa passion. Tellement qu’elle doit mettre un terme de façon définitive à sa carrière.

«Plusieurs éléments ont fait en sorte que j’en sois arrivée à cette conclusion, a indiqué la Montréalaise à La Presse canadienne. Ce n’est pas la première fois que j’ai des problèmes de santé: j’ai subi quatre interventions chirurgicales majeures au genou, une opération au pancréas, on m’a posé des plaques de fer dans les bras, les doigts… J’ai toujours persévéré. Mais je suis aux prises avec des maux de tête quotidiens depuis quelques années. Ils varient en intensité, mais j’ai mal à la tête à tous les jours.

«C’est probablement dû à tous les impacts subis par mon cou au cours des années. Mon système nerveux est complètement détraqué. (…) Les genoux, les épaules: on peut revenir de ça. Mais ma tête, mon cerveau, c’est plutôt important à mes yeux. Pendant que j’en ai encore le choix, j’ai décidé que ça ne valait plus la peine de continuer.»

Turski, qui aura 30 ans en mai, affirme avoir mijoté cette décision pendant plusieurs années.

«Ça fait cinq ans que je suis aux prises avec ces maux de tête. Depuis 18 mois, c’est de plus en plus difficile de composer avec la douleur. Avoir mal à la tête tous les jours est suffisant pour vous rendre fou. Ce n’est pas de cette façon que je veux vivre ma vie.»

Même en arrêtant maintenant, rien ne garantit que sa situation s’améliorera.

«Rien n’est garanti dans la vie, dit-elle avec philosophie. Mais je suis persuadée que si je n’arrête pas, ça ne partira pas. J’ai le sentiment que de poursuivre ma carrière ne pourrait que nuire à ma santé.»

Révélation

Toute jeune, c’est sur des patins à roues alignées que Kaya Turski se défoule. Avec ses amis, elle se rend régulièrement au Taz, institution montréalaise ou plusieurs adeptes de patins et de planche se rendent pour pratiquer leur sport. Elle en fera même de façon compétitive, jusqu’à l’âge de 16 ans environ. Mais le patin à roues alignées de compétition est un sport très niché et il n’y a guère plus qu’une compétition par an.

Elle découvre alors le ski. C’est une révélation. Elle se rend rapidement compte qu’elle peut reproduire les mêmes manoeuvres en ski qu’elle réalisait en patins.

«J’ai été subjuguée, se rappelle-t-elle. Je n’en revenais pas à quel point je me suis facilement adaptée au ski. C’était comme faire du patin, mais avec un équipement plus long et plus lourd. À l’âge de 17 ans, après n’avoir skié que deux fois, j’ai pris la décision de me consacrer au ski.»

Elle prend alors un engagement avec ses parents: après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle s’exilera en Colombie-Britannique pour peaufiner son ski.

«J’ai foncé tête première et j’ai adoré chaque seconde passée là-bas depuis. Quand vous aimez quelque chose, vous progressez rapidement. Le reste appartient à l’histoire, j’imagine.»

Et comment! Turski a remporté sept fois les X-Games, dont six fois d’affilée, en plus de terminer une fois au deuxième rang. Sur le circuit de la FIS, elle a signé une victoire en Coupe du monde, avant de terminer deuxième aux Mondiaux de 2011, en Utah. Deux ans plus tard, à Voss-Myrkdalen, en Norvège, elle remporte le titre mondial.

«Son arrivée en ski acrobatique a été une véritable onde de choc, a imagé Jean-François Cusson, qui a été pendant cinq ans son entraîneur au sein de l’équipe nationale du Canada. Elle était cinq années en avance sur le reste du plateau. (…) C’était quelque chose de voir la détermination dans ses yeux dans le portillon de départ; c’était semblable à ce qu’on pouvait voir dans les yeux de Roger Federer à ses meilleures années.»

«J’étais intimidée par sa domination instantanée des parcours et sa façon de gagner les compétitions avec panache, ajoute Roz Groenewoud, spécialiste de la demi-lune. Personne n’avait fait cela avant. Nous étions stupéfaites de savoir qu’elle accomplissait tout cela sans presque avoir eu d’entraînement sur neige.»

Grave accident

Pourtant, elle est passée bien prêt de ne jamais connaître cette glorieuse carrière. À sa première année comme professionnelle, en 2006, elle a subi un grave accident au big air de San Francisco qui a non seulement failli mettre fin à sa carrière, mais qui a failli la tuer.

«C’était une compétition sur échaffauds, au Candlestick Park. On peut dire que ce n’était pas très bien foutu, explique-t-elle. La neige avait tellement fondu en journée que sur un atterrissage, je me suis retrouvée déportée à l’extérieur de la zone. J’ai alors culbuté dans les escaliers, avant d’en prendre un de plein fouet. Mon pancréas est allé touché ma colonne vertébrale et a été fendu en deux sur le coup. C’est dire à quel point le choc a été violent.

«Il y avait une hémorragie interne et j’ai passé plusieurs semaines aux soins intensifs. Il y a eu plusieurs complications. Ç’a été très difficile et j’ai dû rater une année complète. Deux semaines après être revenue à la compétition, je me suis éclatée le genou. Ç’a pris neuf mois avant que je ne revienne à la compétition cette fois.»

En 10 ans chez les professionnels, Turski estime avoir raté cinq années en raison de blessures. C’est d’ailleurs une autre reconstruction du genou qui l’a empêchée d’être à son mieux à Sotchi, où elle a dû se contenter de la 19e place. Sa résilience est l’une des choses qui la rend le plus fière.

«Quand vous regardez ma fiche, vous ne voyez pas tout ce que j’ai dû surmonter pour grimper sur tous ces podiums.

«Je suis très fière d’avoir contribué de façon significative — je crois — au slopestyle féminin. Il n’y avait pas beaucoup de femmes qui pratiquaient ce sport quand j’ai commencé. Mon but a toujours été de fixer la barre haute: pour moi, mais pour le reste du plateau également.»

Maintenant résidente de Vancouver, Turski se consacrera à compléter ses études en psychologie, à l’Université de la Colombie-Britannique. Elle souhaite se spécialiser en psychologie sportive.

«J’ai travaillé avec un psychologue sportif au cours des six ou sept dernières années. Un gars brillant, de Los Angeles, qui s’appelle Mike Gervais. Il est l’une des rares personnes de qui je puisse dire qu’elle a changé ma vie.

«J’ai toujours cru en l’aspect mental du sport. J’ai pu constater, sur moi et sur mes compétiteurs, à quel point votre esprit peut à la fois travailler pour vous et contre vous. Ça me fascine.»

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