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Une carrière résumée en pas plus de 90 mots

Frédéric Daigle, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

COOPERSTOWN, N.Y. — Quand Vladimir Guerrero et les cinq autres nouveaux membres du Temple de la renommée du baseball seront intronisés, dimanche, ils découvriront alors pour la première fois de quelle façon leur carrière sera immortalisée sur leur plaque.

Quand le commissaire du Baseball majeur, Rob Manfred, leur en fera la lecture, ils n’auront pas idée du travail nécessaire pour résumer en quelque 90 mots leurs faits d’armes sur les losanges.

Jon Shestakofsky, vice-président communications et éducation de la vénérable institution de Cooperstown, dans l’État de New York, est celui qui supervise ce travail colossal, qui se met en branle lorsque le résultat de l’élection est annoncé, vers la mi-janvier de chaque année.

«Les plaques sont rédigées de concert par quelques départements du musée, notamment ceux des communications et de la bibliothèque, a-t-il expliqué à La Presse canadienne. Ce n’est pas l’affaire d’un seul auteur. (…) J’ai un grand mot à dire sur le produit final, mais ça demeure un travail d’équipe.»

Une fois les élus connus — ceux dont le nom aura été inscrit sur le bulletin d’au moins 75 pour cent des membres votants des Chroniqueurs de baseball d’Amérique (BBWAA) —, l’équipe chargée de la rédaction s’attelle à la tâche.

«Parfois on voit venir les coups, on s’attend à ce qu’un joueur soit élu, mais on ne s’aventure jamais bien loin afin de ne pas travailler pour rien.»

Le plus difficile est de faire la synthèse d’une carrière s’échelonnant parfois sur plus de 20 ans en pas plus de 90 mots, excluant la nomenclature de tous les clubs auxquels ont appartenu les nouveaux intronisés.

«Nous tentons d’être constants dans note façon d’utiliser la langue au moment de la rédaction. Si vous regardez des plaques d’une même époque, vous remarquerez une constance dans la structure du texte et le type d’informations qui sont fournies.

«Par contre, d’une époque à l’autre, il y a des différences marquées. Il n’y avait pas (le site de statistiques) baseball-reference.com autrefois. Il y avait ainsi moins de statistiques disponibles et les textes sont plus descriptifs plutôt que d’être constitués de réalisations statistiques ou d’honneurs reçus, dont certains n’existaient même pas. (…) C’est révélateur de la façon dont les amateurs et les journalistes consomment le baseball de nos jours contrairement à la façon dont ils le faisaient en 1939, quand nous avons ouvert nos portes. Les temps changent et les plaques sont témoins de cette évolution.»

Un sprint

L’échéancier est plutôt serré, parce qu’en plus de rédiger le texte, son équipe doit obtenir les droits d’utilisation de plusieurs images des futurs intronisés, à partir desquelles le sculpteur officiel du Temple réalisera l’effigie qui ornera leur plaque.

«Le texte final ressemble rarement à la première version: on peut prendre plusieurs détours tortueux avant d’y arriver! On veut tout simplement s’assurer que nous brossions un portrait précis de la place dans l’histoire du nouveau membre, mais également que nous sommes le plus précis possible avec l’information qui y sera inscrite.»

La maquette doit ensuite être transmise à Matthews International, firme de Pittsburgh, en Pennsylvanie, qui coule le produit final. C’est cette plaque de bronze, haute de 40 centimètres par 27,5 et pesant près de 15 kilos, qui sera ensuite livrée pas plus tard qu’en avril dans le petit village de la campagne new-yorkaise.

«Ce qui nous laisse suffisamment de temps pour nous assurer que nous sommes satisfaits de celle-ci», note Shestakofsky.

Le bronze sera ensuite monté sur un cadre de bois de 4 cm plus large. Le tout sera fixé sur du Corian, un matériau composite se rapprochant du marbre.

Même après tout ce travail, des erreurs peuvent s’insérer sur certaines plaques. Quelques-unes des 317 plaques qui ornent les murs du Hall ont d’ailleurs été remplacées au fil du temps.

«Par exemple, la plaque de Roberto Clemente avait été coulée avec son nom écrit ‘Roberto Walker Clemente’. Mais son vrai nom est plutôt ‘Roberto Clemente Walker’, alors cette plaque a été refaite, comme celle de Jackie Robinson.

«Quand il a été élu au Temple de la renommée, il souhaitait qu’on ne considère que ses exploits sur le terrain. C’est pour ça que lorsque la plaque a été rédigée, on n’y faisait seulement mention de ses accomplissements comme joueur. On ne peut toutefois pas raconter toute l’histoire de ce qu’a représenté et représente toujours Jackie Robinson pour le baseball sans mentionner le courage dont il a dû faire preuve afin de briser la barrière raciale.

«Près de 50 ans plus tard, en 2008, après avoir consulté sa famille, nous avons estimé qu’on ne pouvait pas reconnaître totalement son impact sur le sport sans parler de cet aspect de sa carrière. C’est pourquoi la plaque a été légèrement modifiée.»

Par contre, on ne révise pas l’histoire à Cooperstown.

«Nous ne changeons habituellement pas les plaques si des statistiques changent, par exemple, si une plaque dit ‘untel s’est classé troisième…’ alors qu’il était plutôt quatrième, tel que révélé par des recherches subséquentes. À l’entrée du hall, nous avons une note qui indique que les plaques sont rédigées avec des informations qui étaient exactes au moment de leur rédaction. C’est la mise en garde qui fait en sorte que nous n’ayons pas à recouler des plaques à chaque fois qu’une nouvelle recherche statistique est menée.»

En plus de Guerrero, Chipper Jones, Jim Thome, Trevor Hoffman, Jack Morris et Alan Trammell seront intronisés, dimanche. La cérémonie se mettra en branle à compter de 13h30. Au Québec, elle est retransmise par la chaîne MLB Network.

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