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Lettre à moi-même

Je n’avais même pas mis un pied dans mon nouveau logement que déjà, j’avais un premier courrier qui m’attendait dans ma boîte à malle. M’attendant à une facture, je fus surpris de constater qu’il s’agit plutôt d’une simple enveloppe blanche sans adresse de retour. Je m’empresse de l’ouvrir et reste perplexe quand je vois de quoi il s’agit. « Mon cher moi-même du passé… »

C’était surement une blague de mauvais goût, mais il semblait que j’avais entre les mains une lettre manuscrite de mon Moi futur. Je sais, ça n’a aucun sens et que c’est surement impossible. Mais les faits sont incontestables. Je reconnais même ma signature, même si elle me semble un peu plus tremblante.

« Tu excuseras mon écriture un peu brouillonne, mais on n’écrit plus à la main depuis longtemps. De plus, mes pouces souffrent d’une déformation à la suite des années d’abus de textos et autres écrans tactiles qui Germaine (gèrent et mènent) nos vies. J’ai donc beaucoup de difficulté à tenir mon crayon. »

Je regarde mes pouces, intrigué. Je dois avouer que j’ai souvent des genres de crampes dans ceux-ci. Hum ! Je devrais peut-être en réduire mon utilisation. Je pourrais utiliser mes index au lieu ! Avec un peu de pratique, ça devrait aller.

« Oh ! As-tu remarqué le cachet de la poste sur l’enveloppe ? J’imagine que non ! Sinon tu te poserais déjà des questions, toi qui n’as jamais vraiment aimé voyager. »

Il avait parfaitement raison. Je n’y avais pas porté attention. Faut croire que je me connais bien. Je constate que la lettre provient de Chine. Qu’est-ce que je pouvais bien faire là-bas ?

« Pour répondre à ta question, c’est que à la suite de la noyade de l’île de Montréal, dont tu t’étais si brillamment sauvé à la nage, tous les malades et les vieux qui peuplaient les hôpitaux et les CHLSD ont été transférés un peu partout sur le territoire de la future République du Québec. »

« Mais rapidement, il manqua de place. Le gouvernement a donc pris la décision, malgré les protestations de la population dont on écoute encore moins les revendications et opinions que dans ton temps, de sous-traiter les soins de santé à la Chine.»

« Ce fut une décision tant économique qu’humanitaire. La main d’œuvre y était encore bon marché et la population locale avait l’habitude, contrairement aux Occidentaux, de s’occuper de leurs aînés. Et puis, on créait des emplois. Bon, pas chez nous, mais c’est de la création quand même.»

« De plus, la Chine nous en devait une depuis le Plan Nord. Ils avaient en effet eu droit à des avantages plus qu’avantageux pour venir s’occuper de nos ressources naturelles. En échange, chaque fois qu’un de leur bateau rempli de nos matières premières repartait vers la Chine pour se faire exploiter et transformer ailleurs que chez nous, ils devaient amener nos Vieux pour s’occuper d’eux également.»

J’étais sur le cul. J’hésitais à poursuivre la lecture, car la lettre faisait tout de même 18 pages, recto et verso. Si tout était aussi négatif, je préférais ne pas le savoir… mais je ne pouvais pas résister. Au moins les grandes lignes.

« La chirurgie esthétique est maintenant obligatoire pour les gens laids. »

« Le Viagra est maintenant en vente libre. Il a remplacé, en popularité, les pastilles Vicks. »

« Les religions reconnues sont maintenant au nombre de 500 000, chacune avec ses accommodements. »

« Le français, bien que minoritairement parlé, est toujours, hypocritement, la langue officielle de la République »

« Coca-Cola et Pepsi ne forment plus qu’un. »

« Jean Charest est toujours en poste. »

J’en peux plus ! Je m’arrête ici.

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