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Le «phénomène Tasty» ou l’art de dissimuler des publicités

Mon fil d’actualité Facebook est composé à 80% de tutoriels vidéo qui veulent me convaincre que je dois absolument apprendre à cuisiner un gâteau dans une tasse. Ou bien que pour continuer à vivre, je dois connaître le nouveau produit révolutionnaire de la semaine.

On les connaît bien, ces vidéos: le format est carré, la musique est joyeuse et entraînante, on y voit une main désincarnée manipuler un objet quelconque avec émotion (du moins, avec autant d’émotion qu’une main peut transmettre) et elles ne durent jamais bien plus que deux minutes. Elles présentent un projet DIY (do it yourself), une recette ou un produit à «essayer absolument».

Et ça marche tellement bien que de plus en plus de pages Facebook se consacrent entièrement à la production (ou au partage) de ce type de vidéo.

J’appelle ça le «phénomène Tasty». (Terme pas encore breveté, que j’en vois un(e) me copier)

La branche gourmande de BuzzFeed, Tasty, est passée maître dans l’art des recettes rapides. Suivie par plus de 84 millions d’abonnés, l’entreprise a su imposer son modèle de vidéo partout sur les réseaux sociaux.

Et les copieurs ne se sont pas fait attendre. Et, avec eux, sont arrivés les publicitaires, qui y ont vu une mine d’or.

«Ces vidéos ont plus d’impact que la pub normale», m’a expliqué Mikael Lebleu, stratège de contenu à l’agence de pub Cossette. «Elles s’adressent directement aux consommateurs et la réglementation canadienne est encore assez floue.» S’il faut maintenant ajouter #Ad ou #Sponsored aux publications commanditées, «ce n’est pas toujours respecté», précise-t-il.

Comme cette page Facebook qui dit partager des offres et des «soldes flash» et qui présente certains produits «notables» en vidéo. Mais une petite visite sur le site internet associé à la page nous indique qu’il s’agit en fait d’une boutique en ligne d’accessoires de cellulaires.

Et quels sont les produits présentés dans leurs vidéos Facebook visionnées plus de 150 000 fois?

Des étuis à cellulaires. Surprise!

Ou celle-ci, MetDann, qui se présente comme une entreprise qui se concentre sur «le contenu pertinent, simple et utile des créateurs émergents qui partagent leur passion pour la beauté, la mode, la nourriture et encore plus».

On parle ici d’une zone grise. Les règlements de Facebook par rapport au contenu payé ne semblent pas s’appliquer aux publications que les pages comme MetDaan partagent. Il s’agit de «contenu regroupé», un amalgame d’articles et de vidéos de différentes sources, qui se retrouvent sur la même page.

Un peu comme une galerie d’art qui exposerait plusieurs artistes différents.

Et, selon la directrice des communications des Normes de la publicité, Danielle Leframçois, le partage de revenus sur ce type de publication «n’est pas encadré». Du moins, pas au Canada.

Dans ce cas-ci, l‘entreprise a publié un tutoriel de coiffure, mais fait la promotion de «produits similaires» dans la section commentaires (voir photo).

Attention, ces liens Amazon sont affiliés, ce qui veut dire que lorsque vous cliquez sur le lien, Amazon saura si vous avez acheté quelque chose les 24 heures suivantes. Si oui, un pourcentage de votre achat sera remis au propriétaire du lien. On les reconnaît par le code «tag=» dans le lien.

J’ai pris contact avec, le PDG de MetDaan, Ilirian Krasniqi, qui est resté très vague en répondant à mes questions.

«Nous travaillons avec plusieurs marques sélectionnées et chaque fois qu’un de leur produit est présenté sur l’une de nos 11 pages, il est identifié conformément aux termes et conditions de Facebook.»

Facile de se fier aux termes et conditions lorsque les règlements sont aussi flous. On est de retour dans la zone grise…

Ce n’est pas sans rappeler les capsules Brand Power qui vous «aident à mieux acheter», où des présentatrices parlent de produits aux téléspectateurs pour les aider à faire de bons choix. En 2010, Protégez-vous, a appris que ces recommandations étaient payées par les compagnies en question.

Je ne veux pas vous empêcher de regarder des tutoriels sur comment cuisiner un brunch complet dans un seul chaudron en 15 minutes. Il faut seulement traiter ces vidéos comme on traite une publicité, avec un regard un tout petit peu plus critique qu’à l‘habitude.

Soyez vigilants!


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