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Vivre l’exil, entre détresse et soulagement

Photo: Josie Desmarais

Invités à témoigner par le CLSC de Côte-Des-Neiges, trois réfugiés ont pris la parole pour évoquer leur réalité. À l’heure où les signes d’hostilité se multiplient partout sur le globe, leur témoignage indispensable, offre une vision brute et nuancée de l’exil.

À Montréal, la majorité des demandeurs d’asile qui arrivent dans la métropole passent par le programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA), chapeauté par le ministère de la Santé et des Services sociaux. À l’occasion de la journée nationale des réfugiés, le PRAIDA, qui existe depuis les années 1970, a voulu donner la parole à trois d’entre eux, pour tordre le cou aux clichés et mettre des visages sur des destins parfois tragiques, souvent méconnus, qui peuvent provoquer autant de peur que de sympathie.

Ils arrivent du Soudan, du Kurdistan irakien ou de Colombie. Menacés, leur départ a été salutaire, mais déchirant. Au Canada, ils repartent de zéro et doivent se reconstruire, loin de leur famille. Ils ont 30 ans et sont réfugiés, ils n’ont pas choisi cette situation et ne rêvent que de rentrer chez eux. «Être réfugié, ce n’est pas ce qu’on veut», lance Alin, qui vient du Kurdistan irakien.

Ce paradoxe, Diego le connaît aussi. Heureux d’être ici, la tristesse dans sa voix lorsqu’il évoque sa mère qu’il n’a pas vue depuis deux ans rappelle que l’exil est avant tout une déchirure. «À la fin, la famille, c’est tout ce que tu as», finit-il par dire, la voix tremblante.

Homosexuel, Diego a dû quitter la très chrétienne Colombie en 2017. Il n’en pouvait plus de cacher son orientation sexuelle. Asmaa, elle, vivait dans un pays dominé par les hommes, le Soudan du Nord. Là où les femmes ne peuvent pas quitter le pays sans l’autorisation d’un homme, là où elles ne peuvent s’exprimer librement. Alin, un avocat spécialisé en droit de l’immigration, a dû quitter l’Irak pour sa sécurité.

Tous racontent les difficultés de quitter leur pays, leur famille et leur statut social. Trouver un emploi, peu importe lequel, et peu importe leur diplôme, comme Asmaa, qui travaille dans un centre d’appel. S’adapter à la langue, le français, une barrière pour ces étrangers éduqués qui ont comme seconde langue l’anglais. Alin, l’ancien avocat, a perdu son travail parce qu’il ne parlait pas assez bien français. Diego, lui, a fait du bénévolat dans un YMCA, «la meilleure chose que j’ai faite en arrivant», dit-il. Il est sorti de la solitude et a pu socialiser, trouver une école, un appartement, même un travail.

Les commentaires sont unanimes: oui, le Canada a été là pour eux. Le pays les a sauvés, en quelque sorte. Par contre, ils ne sont pas là par plaisir, mais par survie. L’image du réfugié qui débarque avec sa famille pour profiter du système canadien, ces trois déracinés la connaissent bien. Contre ces clichés, cette haine parfois, ils n’ont que leur peine à dévoiler. La colère d’avoir dû partir, la souffrance de vivre loin des leurs. «Ils disent ça par ce qu’ils ne nous connaissent pas, lâche Alin. Ils ne connaissent pas notre passé». Diego, lui ne veut «pas les blâmer», car «beaucoup de gens ne savent pas ce que vit un réfugié».

Publié mardi, le rapport annuel du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) montre que le nombre de réfugiés a augmenté de trois millions en 2017 contre 300 000 en 2016. Le rapport indique aussi que quatre réfugiés sur cinq sont partis dans un pays voisin au sien. 85% des réfugiés vivent dans un pays en voie de développement. Un chiffre qui rappelle que les pays qui accueillent le plus de réfugiés ne sont ni en Amérique du Nord, ni en Europe.

La directrice scientifique du Centre de recherche SHERPA, Cécile Rousseau, se dit «inquiète» de la situation des réfugiés et l’accueil hostile auquel ils peuvent faire face, aux États-Unis par exemple ou en Méditerranée.

«Le droit d’asile se rétrécit et se grignote petit à petit. Ça remet en cause le droit d’asile et les conventions internationales des droits de l’homme. Il y a de quoi être inquiète», s’alarme-t-elle.

Elle garde pourtant espoir, grâce «aux bonnes pratiques du Québec dans le secteur social, de la santé et de l’éducation».

«Les humains sont capables de passer par dessus des traumatismes, et ça les rend souvent exceptionnels, ils deviennent des citoyens très précieux pour nos sociétés. Non, nos sociétés n’ont pas accepté un fardeau. Non, ce ne sont pas des coûts énormes pour notre système de santé et d’éducation», plaide-t-elle.

 

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