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Hausse des signalements liés à l’extrême droite au Québec

Photo: Josie Desmarais/Métro

Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) a reçu 74 appels en 2017 pour signaler des cas de radicalisation liée à l’extrême droite, soit sept fois plus élevé qu’en 2016.

Pour le directeur du CPRMV, Herman Deparice-Okomba, ce chiffre élevé témoigne d’une prise de conscience des Québécois sur la radicalisation et les discours haineux.

«Le chiffre révèle que les gens sont plus conscients, qu’il y a eu un sursaut national et un ras-le-bol. Les gens ont été touchés par ce qui s’est passé à Québec», affirme-t-il à Métro.

Ces appels sont faits le plus souvent par des personnes qui s’inquiètent de voir leur proche développer des idées extrémistes ou qui planifient des actes criminels en lien avec ces idées. Dans le cas d’une menace, le centre transfère directement le signalement aux services de police. En 2017, 24 appels menaçants ont été transmis à la police.

Au total, 349 signalements ont été reçus l’an passé par le centre, dont 126 concernent une radicalisation politico-religieuse, 74 sont liés à l’extrême droite, 9 à l’extrême gauche, 27 sont indéterminés et 80 concernent des cas d’incidents haineux, d’après le rapport annuel 2017 du CPRVM paru récemment.

«Plus on sort de Montréal, plus on compte d’appels en lien avec l’extrême droite», a admis le directeur du Centre, sans vouloir donner plus de détails géographiques, «pour ne pas stigmatiser de régions».

L’attentat du Centre culturel islamique de Québec en janvier 2017 a été un électrochoc pour les Québécois, souligne M. Deparice-Okomba, qui attribue à cet événement la hausse des signalements. L’élection de Donald Trump et la multiplication de manifestations de groupes identitaires sont aussi des événements qui favorisent les appels. Pour le directeur du CPRMV, ces chiffres permettent d’avoir un «baromètre des enjeux de société» qui animent le Québec.

Ils ne sont pourtant qu’un portrait limité de la radicalisation puisqu’ils ne représentent pas toutes les situations de radicalisation, ni d’incidents haineux produits au Québec. Le centre entreprendra d’ailleurs des démarches pour améliorer sa visibilité auprès des Québécois, notamment par des campagnes de communications.

D’autres initiatives existent au Québec pour prévenir la radicalisation. Une chaire de recherche, financé par L’UNESCO a été mise en place en février pour documenter le phénomène et évaluer les meilleures approches à privilégier. Elle développera aussi différents projets d’interventions, notamment auprès de la jeunesse.

Un réseau d’intervenants psychosociaux est aussi à l’œuvre dans les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CIUSSS) de Québec, Montréal, Gatineau et Sherbrooke.

La psychologue et directrice du Réseau des praticiens canadiens en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents (RPC-PREV), Ghayda Hassan, fait partie de l’équipe qui travaille avec le milieu de la santé dans l’intervention auprès de personnes radicalisées ou en voie de radicalisation. Selon elle, s’il faut parfois combattre les idéologies extrêmes, elles constituent souvent un catalyseur, une manière d’exprimer une violence déjà existante. Les causes sont alors davantage liées à des problématiques personnelles.

«Ils peuvent avoir besoin de soutien pour surmonter un échec professionnel, scolaire, familial, ou une expérience de discrimination, a expliqué la psychologue. Une fois que les conditions de risque sont diminuées, la personne se désintéresse d’elle-même [à l’idéologie]», ajoute-t-elle.

Pour Mme Hassan, il ne faut pas minimiser les discours de groupes qui peuvent sembler «modérés» et qui n’encouragent pas la violence.

«Ce ne sont pas des groupes qui vont être violents, mais qui divisent. Ils font beaucoup de mal, des petites violences quotidiennes. Ils nourrissent les stéréotypes et la discrimination. », a affirmé la psychologue Ghayda Hassan.

Des groupes identitaires comme la Meute, qui manifestait dimanche dernier à Montréal, ont toujours rejeté l’étiquette «d’extrême droite» et se défendent régulièrement d’avoir un discours raciste. La psychologue rappelle qu’il est primordial de déconstruire leur discours, de comprendre d’où il vient et de savoir contre qui il est proféré. C’est là que la prévention est utile «pour identifier les failles de ce type de discours», dit-elle.

Selon elle, les médias ont aussi «la responsabilité éthique de contextualiser ces discours», chose qu’ils ne font pas toujours, préférant parfois le sensationnalisme à l’explication, constate-t-elle.

Au CPRVM, tout comme pour l’équipe de prévention dont fait partie Mme Hassan, la jeunesse est une des cibles à privilégier pour contrer les discours haineux. Le centre réalise plusieurs ateliers auprès de la jeunesse et a aussi créé deux bandes dessinées sur les conséquences de la radicalisation sur la vie des jeunes et de leurs familles. Sur les 349 signalements reçus par le centre en 2017, 34% concernent des jeunes de 13 à 25 ans.

Si les chiffres de signalements de 2018 ne sont pas encore disponibles, Herman Deparice-Okomba estime que la tendance se maintient concernant l’extrême droite, qui reste la préoccupation majeure des Québécois en ce moment.

Lors de son ouverture en 2015, peu de temps après les attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa, la ligne téléphonique du centre était gérée par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM), ce qui a valu au CPRMV de nombreuses critiques. Le SPVM a par la suite été écarté du centre au profit d’une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, d’intervenants sociaux et de psychologues. Un reportage de Radio-Canada avait aussi révélé que le Centre n’avait pas toujours respecter la confidentialité des échanges avec des personnes radicalisées.

La Ville de Montréal, qui finance le centre à hauteur de 1M$ par année, n’a pas souhaité répondre aux questions de Métro. «Le centre est un organisme indépendant à but non lucratif, les fonds servent à appuyer sa mission, soit la prévention des phénomènes de radicalisation menant à la violence ainsi que l’accompagnement des personnes touchées par cette réalité», a simplement répondu l’attache politique du comité exécutif, Youssef Amane.

 

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